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Pandore
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A la graille !


Pandore


Info:
Orientation: Asexuelle
Genre: Femme
Guilde: Indépendants
Avatar: Zero Two - Darling in The FranXX
Date de naissance: 7 juillet 791

28/12/777


[ Lost magic – Lacrima ]
Chapitre I : Le voile du loup


Principe : Cette lacrima permet à son utilisateur de revêtir un voile d’ombre, des griffes et des crocs. Le voile du loup dispose de sa propre psychée et subsiste dans l’esprit de son propriétaire constamment et indépendamment, influençant mutuellement leurs désirs.

Fonctionnement : Le voile peut être activé en toute ou partie et plus il est déployé, plus la personnalité du loup prend le pas sur celle de l’utilisateur. Matériellement, le manteau se superpose à la peau de l’utilisateur pour le protéger en tout ou partie, jusqu’à le recouvrir entièrement de la forme du loup, le protégeant ainsi de la majorité des dégâts extérieurs autres que les dégâts perçants ou tranchant pouvant traverser le voile.

Forces : Haut potentiel offensif et défensif. Applique des effets de magie d’ombre sur les attaques physiques et immunise contre les dégâts d'ombre.

Contrecoup : L’usage de cette magie relâche la personnalité du loup et provoque chez l’utilisateur une faim pouvant devenir insupportable, pouvant aller jusqu’à lui faire perdre la raison et s’en prendre à ses camarades sans distinction. Seul de la viande en grande quantité apaise l’esprit du loup. Rends extrêmement sensible aux magies de lumière qui dispersent le voile.

Note : Le loup dispose de sa propre conscience, si Pandore ne peut a proprement parler pas le voir, elle sent sa présence, et peut vaguement communiquer avec lui. Lorsqu'elle a faim, même sans utiliser sa magie, le loup se manifeste et ses yeux virent au rouge. Son contrecoup s'applique donc également hors usage du voile, dans une moindre mesure.


– Enchantement –
Chapitre II : La Peste


Principe : L’utilisateur infuse sa magie dans une zone autour de lui afin de lui permettre de déplacer les particules d’ombre.

Fonctionnement : Une fois cette magie activée, des particules d’ombre agissent chaotiquement autour du lanceur dans une zone sous forme de dôme. Ces particules sont attirées par les particules d’Aethernano et vont s’attacher aux magies indirectes pénétrant dans le champ d’action de la peste pour convertir les magies en magies d’ombres.
La Peste suit l'utilisateur tant qu'elle est active, mais ne peut être activée s'il n'y a aucune source d'ombre environnante (qu'il fait totalement nuit ou que tout est entièrement éclairé)

Forces : En tant que magie individuelle, très peu. La Peste est faite pour être utilisée avec d’autres magies ou d’autres utilisateurs.
La Peste n’affecte pas les individus ou les créatures magiques à proprement parler, mais elle s’applique aux objets de magie pure (invocation élémentaire, etc.)
 Avec le Voile du Loup, l’utilisateur qui parvient à convertir une magie en ombre ne subit aucun dégât. Si la magie est partiellement convertie, le Voile agit comme une seconde barrière, il est peu probable que l’utilisateur subisse des dégâts à moins d’un niveau entre les deux mages trop distandu (ou d’un coup critique)
 Pour un Slayer des ombres : l’ombre étant à l’état naturelle et simplement activée par la magie, mais pas générée par celle-ci, un Slayer des ombres ennemi comme allié ou l’utilisateur même peut dévorer la peste ou les magies converties.


Faiblesses : Les attaques extrêmement rapides peuvent en toute ou partie traverser la Peste et atteindre son utilisateur.
Les attaques trop concentrées en aethernano ne seront que partiellement recouvertes.
La Peste agit de manière indépendante une fois activée. Elle va autant affecter la magie de son lanceur que celle de ses alliés.
N’est utile que face à des magies de projection matérielles (boule de feu, lame de glace, etc.)

Une torche.


Vous n’avez jamais vu une chèvre d’un mètre soixante-dix, n’est-ce pas ? Pandore est assez grande. L’alpha de la meute se doit d’avoir une stature imposante. Pour autant, la musculature n’est clairement pas son fort. Le manque d’énergie des traques et un temps passé à dormir trop important engage une stature bougeant fréquemment autour des soixante-cinq kilogrammes, bien qu’elle soit assez mobile dans la dizaine : en période de forte mobilité ou de faim, elle descendra sous la barre des soixante, en période de repos, lorsque le repas est assuré, il n’est pas rare qu’elle oscille autour des soixante-dix.

Entre chèvre et loup, ses longues jambes sont tant destinées à entraîner les regards qu’à lui permettre de courir, rapidement. Le plus fréquemment en direction d’une proie. Sa féminité ressort en un doux équilibre, ni dans le trop, ni dans le pas assez, sa morphologie oscillant dans un équilibre entre un X et un H viennent porter la dualité d’un corps tant athlétique que féminisé : ventre faible, poitrine relativement développé, cuisses fines, hanches larges… Si le loup représente le leader et le prédateur, la chèvre, elle, représente une part de beauté innocente et sensible, entrant toutes deux en contradictions.

En continuant dans les contradictions, un minois d’ange avec un petit nez en trompette ne pourrait suffire à la survie -et à sa propension à manger une certaine quantité de produits carnés par rapport aux végétaux- sans les crocs acérés à ses canines. Si elle n’est pas désagréable à regarder selon un standard de beauté classique, son sourire peut être fatal, dans tous les sens du terme.

Son inhumanité ne s’arrête d’ailleurs pas qu’à ses dents en matière d’aspect puisque, si elle a hérité de la dentition du Canis Lupus, les cornes trônant sur sa tête sont bien celles d’une chèvre. Elle les habille d’ailleurs fréquemment avec un serre-tête : mettre en exergue la chèvre abaisse la vigilance de ses éventuelles proies, de même que sa longue crinière rosâtre, lisse, contribue a appuyer sur un aspect féminin et fragile (TW : selon elle.).

Sur le plan vestimentaire, il convient d’abord de remettre en perspective que Pandore ne comprends pas l’attirance corporelle et ne l’a jamais appréhendée. Elle comprend l’intérêt des vêtements, en ce qu’ils envoient des messages aux individus environnants, en revanche, tout individu l’ayant côtoyé un minimum l’a probablement déjà vu se balader nue.
Ceci mis à part, son style vestimentaire s’adapte à ses intérêts. Son manteau rouge, ses épaulettes et sa cravate jaune sont presque un costume pour elle : sélectionnés pour être des attributs montrant sa supériorité, contrastant avec le reste de son apparence.

En situation de traque, ou de combat, elle préfère adopter des vêtements épousant le plus possible son corps pour avoir la plus grande liberté de mouvement, voir, ne rien porter. Une manière de parfois déstabiliser ses proies, mais aussi de ne pas être gênée.

Darty papa
Prénom: Juliette
Pseudo: EtoileSauvage
Discord:
Comment as-tu connu le forum? DC de Charles Adam
Commentaires: Zebiiiii (Ah oui et Pandore commence rang A du coup, je le rappelle ici au cas où !)


Chaotique mauvais - Innovatrice (ENTP-A) - Hexaco
[font=Times New Roman]

Qualités : Adroite, astucieuse, audacieuse, avenante, calme, capable, efficace, entreprenante, extravertie, intelligente, leader, observatrice, ouverte d’esprit, perspicace, rusée, stratège, sure d’elle.

Défauts : Abrupt, arrogante, autoritaire, avare, bornée, brutale, capricieuse, caractérielle, égocentrique, égoïste, excessive, gourmande, hautaine, immature, indiscrète, instable, intéressée, jalouse, malhonnête, méfiante, nonchalante, orgueilleuse, paresseuse, possessive, rigide, stricte, suffisante, susceptible, têtue.

A bien des égards, la dualité de la psyché de Pandore s’oriente entre ses besoins primaires essentiels et son expérience. Imaginez vivre durant des siècles en observant les humains se goinfrer, profiter de tous les bienfaits de la vie et être en suspens à ne pouvoir qu’observer.

Si elle a pu apprendre a lire, écrire, compter, calculer, manipuler la rhétorique, l’histoire, les relations humaines, la botanique, le bricolage, la cuisine, ce n’est qu’après plusieurs siècles à désirer ce que les Hommes possèdent qu’elle a enfin pu l’appréhender. Si elle ne manque pas de savoirs théoriques, d’un côté pratique, elle a en un sens le comportement d’un enfant.

De ce fait, elle a un tempérament excessif : si elle n’est pas particulièrement curieuse, elle en veut toujours plus. Plus de nourriture, plus de livres, plus de gens pour obéir à ses caprices.

Si elle ne transpire pas la luxure en ce que la lubricité n’est pour elle qu’une abomination des animaux dédié à entretenir le gigantesque jardin qu’est le monde et lui assurer de la nourriture, tous les autres péchés lui conviennent. Paresseuse, avaricieuse, gourmande, envieuse, colérique et orgueilleuse, depuis sa naissance terrestre elle voit le monde, au sens du lieu et de la populace comme un vaste garde-manger.

Pour autant, Pandore ne s’inscrit pas dans un schéma purement manichéen : si avare soit-elle, elle en est aussi protectrice. La paresse qui l’anime l’encourage à entretenir des relations cordiales avec son entourage : un petit noyau solide, c’est la garantie d’une vie plus simple avec moins d’efforts à fournir pour parvenir à ses objectifs. En cela, elle est également protectrice.

Elle se voit en chef de meute : le sacrifice d’un membre n’est jamais une option. La meute amputée d’une de ses pattes, c’est le risque qu’elle s’effondre sur elle-même et que tout le monde meurt de faim et après des siècles d’attentes pour que ses pieds foulent terres et mers, ce n’est pas une option. Ses grands défauts ne sont pas immuables et si contradictoires soient-ils, ils viennent s’opposer quand nécessité s’en fait.

Elle oublie la paresse pour protéger ce qui lui est précieux ou pour obtenir ce qu’elle désire, elle oublie la colère dans la gourmandise, elle oublie son orgueil en admettant qu’elle est incapable de survivre sans sa meute. Fondamentalement, c’est une leader. Trop guidée par un instinct primitif et bestial pour être efficiente et réciproquement consciente de l’importance de son groupe.

Si elle considère sa meute, en revanche, l’empathie n’est pas son fort. Elle ne se voit pas comme humaine et voit les humains comme inférieurs, si paradoxal que ça soit en ce qu’ils l’ont créée, à l’instar du monarque qui s’octroie tout pouvoir sur un peuple qui est finalement la source même de son pouvoir. Contrairement à un certain nombre de Shifters, selon leur passif et leur personnalité, elle voit les Hommes comme de la nourriture qui parle. Des perroquets, mais avec plus de viande et un peu plus intelligents, en somme.

En ce sens, elle cherchera à les influencer pour qu’ils remplissent son assiette, ou elle les cuisinera pour la remplir d’elle-même. La chèvre qui devient loup pour survivre comme le décrit son conte est devenu la louve dissimulée parmi les Hommes. Si elle encourage les siens à ne pas se considérer comme les humains, elle conçoit en revanche que tous n’adhèrent pas à ce mode de pensée : ça fait plus de nourriture pour elle.

La neutralité guide son esprit. Si la bête qui l’habite réclame nourriture en abondance, l’esprit du loup est assez malin pour agir comme un charognard. S’engager dans un conflit ou dans une position conflictuelle quelle qu’elle soit n’est ni dans ses intérêts, ni dans ses objectifs. Non, Pandore reste un esprit simple : elle aime manger, posséder. Alors naturellement, elle cherchera toujours plus de nourriture et à agrandir sa meute pour obtenir toujours plus de nourriture et avoir moins d’efforts à fournir.

A la graille ! Rou1

Conte

.................................................PARTIE I.....................................................


Premières prises de conscience et phase d'observation
Jour 1 – Éveil
Jour 5 – Exploration 1
Jour 9 – Exploration 2
Jour 13 – Interaction 1
Jour 42 – Interaction 2
Phase d'apprentissage et d'acquisition de connaissances
Jour 47 – Des chiffres et des lettres 1
Jour 73 – Des chiffres et des lettres 2
Jour 146 – Une faim de loup
Jour 231 – Le Book & Mystère
Le prolongement de la solitude et l'appréhension de la folie
Jour 91 250 – Prisme
Jour 182 500 – Solitude

.....................................................PARTIE II.....................................................


Transfert dans une chèvre naine, première prise de contact avec le monde matériel

Jour 227 760 – Avril X791
L'histoire se répète : la réalisation du conte

Jour 227 781 – Mai X791
Jour 227 801 – Juin X791
L'appréhension de la solitude et les phases d'exploration et de modelage de son corps

Juillet X791 – From Human to Goat
Août X791 – Digital
Fin août X791 – Know Death ; Know Forever
Entrée dans une secte

Fin août X791 – One Day
Début septembre X791 – In Hell
Mi-octobre X791 – To The Ground
Le voile du loup lui est transféré par le biais d'un rituel

Fin décembre X791 – I’m Awake

.....................................................PARTIE III.....................................................


La magie de Pandore en action

Juillet X796 – Canis Lupus
Pandore devient malgré elle leader de la secte

Fin décembre X791 – A majori ad minus
Fin du combat, premières traces de pitié déguisée sous l'intérêt

Juillet X796 – Contraria contrariis curantur
La gestion de la secte et le perfectionnement dans l'apprentissage de la magie

Avril X793 – Aut Caesar, aut nihil
Première véritable conversation avec un être humain

Juillet X796 – Beati pauperes spiritu
Destruction de la secte
Juin X796 – Cave Canem
Recherche de l'ordre d'assassinat à son encontre

Août X796 – Ab imo pectore
Conversation avec l'un de ses congénères et établissement des fondements des Shifters

Août X796 – Ab irato
______________________De nos jours______________________

X797 – Ad gloriam




Dernière édition par Pandore le Lun 9 Aoû - 13:51, édité 4 fois
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« Au cours des beaux jours d’été, un jeune berger s’occupait de son troupeau. Son courage se retranscrivait en l’amour qu’il portait à ses bêtes, debout aux aurores pour s’occuper de ses chèvres et de ses moutons. Il gagnait de quoi se nourrir en revendant le lait et la laine sur le marché du village proche de son pré. Une vie prospère, solitaire, mais prospère.

Jusqu’à ce qu’un beau jour, au retour de sa vente du jour, une bête manque à l’appel. Il les connaissait, chacune d’elle, parfaitement et les restes de chairs et de sang firent bondir son cœur : c’était l’attaque d’un loup. La peine était palpable pour le courageux berger, mais il lui fallait continuer de s’occuper de son troupeau : pas le temps de partir à la recherche de la dépouille de son animal, ni d’en faire le deuil.

Des jours durant, il travaillait d’arrache pieds pour ériger une clôture plus ferme autour de son pré, devant se priver de nourriture pour financer son nouvel investissement et jeûner. Plus la tâche durait, plus elle paraissait irréalisable et durant ce temps, les bêtes continuaient de disparaître. Il fit appel aux chasseurs du village, les plus aguerris qui acceptaient de bon cœur de venir en aide au berger, mais rien n’y fit, la meute était introuvable.

Alors, suite aux conseils des chasseurs, il s’enquit d’un chien de garde robuste, nommé … (le nom change, selon les versions de l’histoire). Il était vaillant, comme son maître, qui l’accueillis dans sa famille et dont l’entretien coûtait plus cher. La famine, elle, était de plus en plus présente. Mais hors de question de vendre ses bêtes ou de se résoudre à les manger : elles étaient sa famille. Sa seule famille, laissée par son défunt père.

Si le chien avait pendant un temps freiné la meute, celle-ci finissait par trouver de nouvelles failles. Dévorer de nouvelles bêtes. En a peine quelques semaines, c’était la moitié du troupeau qui était décimé alors que le moral du berger était au plus bas. Il avait même accueilli au sein de son humble logis sa chèvre favorite. Pandore, perdant peu à peu l’espoir de pouvoir sauver son troupeau. La faim et le désespoir lui faisait considérer petit à petit les plus grandes atrocités : devait-il mettre le feu à la forêt ? Détruire des centaines de vies au profit de celles qui lui sont chères ? Ou bien se résoudre à vendre son troupeau, sa maison et trouver un nouvel emploi ? Dans tous les cas, il n’était plus certain d’en avoir bien la force…

Le coup de grâce fut de retrouver son chien grièvement blessé un matin aux aurores. Il dû l’achever pour mettre fin à ses souffrances. Pour lui, c’était un aveu d’échec : les loups avaient gagné. La folie de la famine lui fit manger son propre compagnon, tombé pour protéger ce qu’il avait de plus cher… Symboliquement, c’était l’abandon. La résignation.

C’est fini. Ça va finir. C’est impossible qu’il en soit autrement, pensait-il au couché du soleil en regardant sa chèvre favorite allongée au sol. La peur et la douleur avait transformé son amour en haine et à la perte de la raison, il songeait à la manger, elle aussi. Et lorsque celle-ci la regardait, il aurait pu jurer qu’elle souriait. C’est alors sous le coup de la rage qu’il quittait brusquement sa maison pour attraper sa hache de bûcheron et décapiter une à une, chaque bête de son troupeau. Maculé de viscères et de sang, mangeant, la nuit durant, la viande crue de ses animaux, des heures durant alors que la putréfaction commençait et que la fièvre montait.

Il n’en restait qu’une… Songeait-il en regagnant sa maison en se traînant mollement avec sa hache, la bête dressée devant lui. Il ne restait plus que cette chèvre, cette maudite chèvre, pour se débarrasser de tous ses problèmes, mais son regard… Sous le délire, il voyait l’ombre du loup se dresser au sol. En s’approchant de la bête, il voyait le reflet de lui-même, la chèvre aux crocs acérés typiques du carnivore.

Lui qui aimait tant ce qu’il avait et n’avait tellement pas supporté de devoir le partager, avait consumé son énergie, son âme et sa raison d’être pour finalement voir ce qu’il avait déjà comme un objet de convoitise. La chèvre était devenue le loup. Le berger était devenu le chasseur. Cette chèvre qu’il aimait tant, n’était qu’un reflet de ce qu’il était devenu. Une chose informe, aveuglée par la rage.

Le berger tombait au sol en voyant la chèvre s’approcher en émettant un grognement digne d’un loup féroce, croquant sa poitrine pour dévorer le cœur meurtris. Sur ses derniers instants, le berger pris conscience que le problème n’avait jamais été les loups, mais son amour aveugle et possessif pour ses bêtes, l’ayant rendu terriblement violent.

Et alors que la bête informe portant le voile du loup quittait la maisonnette en marchant autour des restes de ses congénères, elle gagnait la forêt pour rejoindre la meute.

La morale de cette histoire, c’est que le plus grand prédateur n'est jamais là où on l'attends, alors il faut avoir l'humilité d'abandonner les batailles perdues d'avance. »





Jour 1 – Éveil


Au début, il y avait le vide… Puis j’ai entendu des souffles… Lourds… Tout au plus. C’était impossible de lever le voile sur ces mystères… Ces ronflements lourds dansaient, ils ne s’arrêtaient pas. Ils ne voulaient pas s’arrêter. Et comme le sort s’acharnait, elle était tantôt stable, tantôt irrégulière… Il n’y avait que ça. Que ces bruits assourdissants tant ils étaient omniprésents…

La première chose que j’ai ressenti, c’était la peur. Tout m’échappe et je n’arrive pas à comprendre.

La seconde, c’est l’ennui. C’était constant et ma seule occupation, c’était d’essayer de trouver un cycle, un pattern à ces bourdonnements. Parfois longs, parfois courts, parfois réguliers, parfois non… Il y avait parfois quelque chose d’agréable : c’était… Quand c’était régulier. Ce bruit avait quelque chose de rassurant.

La troisième, c’est l’humilité. Je prenais le pli et je m’étais habituée à essayer de comprendre ces choses. Mais, un bruit étrange c’était mis à retentir à l’extérieur et petit à petit, des… Choses, se sont mises à apparaître. C’était presque comme quand j’ai ressenti la peur : tout m’échappe, je ne comprends rien, mais j’ai déjà compris des choses, alors je n’ai qu’une envie. En comprendre plus, toujours plus.

Il y a cet étrange chose, qui habite un gros machin dont le centre fait des choses étranges : ça va dans un sens, puis dans un autre, je crois. A côté, un bidule un peu pareil était disposé autrement, mais semblait différent…

(…)

Ca fait… Un moment… Un moment que j’observe ces choses qui bougent. Pourquoi ils peuvent bouger ces trucs ? Impossible d’avoir une réponse à cette question-là… Mais plus il se passe de choses, moins je comprends. Ils font disparaître des choses, en mettent plusieurs aux mêmes endroits pour que ça fasse une chose différente… A quoi ça sert, tout ça ?

(…)

Alors que c’était de plus en plus dur de voir, comme quand j’ai commencé à entendre, le truc d’hier faire du bruit, le machin frêle qui était avec était avec deux autres choses encore plus frêles dans la chambre. Ils font du bruit, mais je ne comprends pas pourquoi. Seulement… Quand le truc frêle qui dormais a pris un espèce de… Truc qui s’ouvre et à commencé à faire un bruit un peu différent, j’ai ressentis quelque chose, à l’intérieur de… A l’intérieur de… A l’intérieur de moi ? Elle fait du bruit à propos de moi ? C’est quoi, moi ?

Alors que les questions s’enchaînaient, sans réellement comprendre comment, je voyais différemment. Je commençais à bouger je crois, comme les choses qui bougent… Alors j’évoluais vers les choses. J’avais du mal à comprendre pourquoi je ressentais un truc… C’est les choses qui bougent ? Le machin qui s’ouvre qui bouge que quand les choses qui bougent le font bouger ?

(…)

Je vois plus. Mais je peux toujours entendre et bouger. Je sais toujours pas c’est quoi, moi, mais je sais que je suis un truc qui bouge, comme ces trucs-là. Pourtant, quand je bouge, j’arrive pas à aller loin… A un moment, ça bloque. J’arrive pas à comprendre pourquoi, ni comment. Mais je peux bouger depuis que le truc qui bouge à touché au truc qui s’ouvre, alors… Peut-être que si elle y retouche, je pourrais bouger plus loin ?

Les bruits ont encore changé… J’aime pas quand les bruits changent.



Jour 5 – Exploration 1


Au départ, c’était dans un seul endroit… Mais plus il raconte l’histoire aux petites choses, plus je peux aller loin. Depuis les derniers ronflements… Ou ceux encore avant, je ne sais plus… Enfin, je peux aller partout où c’est fermé et un peu plus loin. Il y a des espèces de trous où parfois on peut voir, parfois non. Mais il y a une sorte de cycle dans ce que font les choses qui bougent… D’abord les ronflements, puis le grand bruit dehors et je commence à voir. Ensuite ils mettent des trucs ensemble et les font disparaître dans cet espèce de trou qu’ils ont en haut…


Jour 9 – Exploration 2
Quand le grand cri est arrivé et que j’ai commencé à voir des choses… C’était pas pareil. Avant, il y avait… Que des… C’est indescriptible, mais je vois plus de choses, beaucoup plus de choses. Et j’ai même pu commencer à m’éloigner de l’espèce de prison où vivent les trucs qui bougent… Et au-delà… Tout bouge… Tout. C’est aussi terrifiant qu’intrigant. Il y a beaucoup plus de choses, mais très différentes… Un des trucs qu’ils mettent sur l’endroit où ils mélangent et font disparaître des trucs, ils le trouvent devant là où ils s’enferment quand on voit plus. Dans un sens je comprends pourquoi… Y’a moins de chose qui bougent dans le truc où ils vont quand on voit plus. Alors… Quand ils voient, ils sortent… Quand ils voient plus… Ou un peu avant… Ils rentrent. Pour éviter de se perdre sûrement ? Je vois beaucoup, beaucoup, beaucoup de choses. Beaucoup trop de choses. J’imagine qu’eux aussi.


Jour 13 – Interaction 1


Il fait du bruit avec le truc à moi. Je suis là. J’entends sa voix. Il est un peu différent des petits objets et très différent du gros objet qui bouge. J’arrive à les distinguer, petit à petit. Le gros, il fait un bruit qui va vers les objets du bas quand il fait du bruit. Le grand petit, il fait du bruit qui va tout droit et les petits objets qui bougent, ils font parfois beaucoup de bruit, parfois pas beaucoup. J’aime bien le grand petit. Quand il ouvre le truc, ça me détends.

A force de l’entendre, je finis par savoir me repérer dans l’histoire. Quand ça commence. Quand c’est plus que le début. Quand c’est moins que la fin. Quand ça va finir. Mais cette fois-ci… Quelque chose a changé… Quand je me suis approché pour essayer de regarder, ils ont fait un truc bizarre. Le petit grand machin s’est arrêté pour bouger un peu vite d’un coup. Puis c’est levé pour fermer l’objet qui fait qu’on voit plus de l’autre côté. Mais moi… Je peux passer sans l’ouvrir ou le fermer. Passer d’une pièce à l’autre. J’avais déjà compris que j’étais pas pareil. Que je les vois, mais eux non. Parce qu’ils se tournent les uns vers les autres, mais jamais vers moi. Et ils font des bruits bizarre qui ont l’air de revenir dans le même genre de situation… « merci » je crois, ils disent quand on commence à voir et qu’ils se rassemblent.


Jour 42 – Interaction 2


Ca passe et j’explore. Y’a eu beaucoup de moment où on voit rien, de moments où on voit. En dehors de la « maison » des machins qui bougent, on voit un peu, parfois. Y’a des trucs en haut qui éclairent, plus ou moins, d’autres qui empêchent la lumière de passer et le gros machin change parfois… Plus je regarde les machins qui bouge et je les écoute, plus je commence à comprendre ce qu’ils font, ce qu’ils disent.

« Manger », c’est quand ils font disparaître des choses. « Dormir », c’est quand ils sont dans l’autre sens. « Travailler », c’est quand ils font la même chose toute la journée. Ca peut être plein de choses, mais il y en a une qui avait l’air bien. « Chasser ». Ils prennent des machins qui lancent des objets sur des machins qui bougent plus petit qu’eux, ils les ramènent, les transforment et les font disparaître, quand ils « Manger ». De tout ce que j’ai pu voir, c’est ce qui avait l’air le plus drôle.

L’histoire, je commence à la connaître. Je pourrais la répéter, mais je comprends pas la plupart des trucs. Pour comprendre les machins qui bougent, je les regarde : quand ils disent de la même manière un même mot et que ça donne lieu à une situation, je le retiens. Du coup quand le machin qui bouge fait que de raconter, j’arrive pas à comprendre. Mais juste avant le dernier moment où on voit plus, j’ai appris comment faire : les petits machins qui bougent, ils font de « l’école » et eux aussi ils racontent des trucs, mais pas pareil. Quand c’est eux, les mots sont décousus et monotone. C’est assez agaçant, ils ont l’air stupide. Si j’étais un truc qui bouge, je les taperais, comme il fait le grand machin qui bouge. Quand ils font trop de bruit, ou qu’ils font tomber des machins qui se cassent, il les touche et après ils ont l’air de plus recommencer. Moi aussi je veux faire ça. Les petits machins, ils bougent trop partout.





Jour 47 – Des chiffres et des lettres 1


« L’école », c’est un truc chouette. Y’a une « Maîtresse », là-bas, elle explique plein de trucs sur tout. Par exemple, elle a des petits carrés avec les « Couleurs », elle la lit à voix haute et elle explique comment on l’écrit. Chez les machins qui bougent, y’a « les garçons » et « les filles », elle, c’est une « fille », alors il faut utiliser « elle », avec les « garçons », il faut utiliser « il ». Ca à l’air peu utile, mais pour observer ceux que j’ai déjà vu, ou dans l’endroit qu’ils appellent « toilettes », en gros, la différence, c’est que « les filles » elles ont une fente en bas, les « garçons » un espèce… Machin.

Pour les couleurs, y’a le « Vert », ça s’écrit avec un « V », un « E », un « R » et un « T ». Petit à petit en apprenant toutes les lettres, quand elle écrivait des trucs au tableau, des « mots », j’arrivais à les « lire ». Mais comprendre les « lettres » ça suffisait pas, fallait aussi comprendre les « syllabes ». C’est un outil complexe, mais c’est pratique : ils peuvent consigner des tonnes d’informations et se les passer entre eux comme ils veulent. Les « enfants » étaient lents à apprendre à lire. Moi, je n’avais qu’une hâte, c’était de comprendre ce que j’étais, pourquoi personne sait que je suis là, ce qu’il se passe, voir le monde. Alors je m’efforçais de me « concentrer », comme dit la « maîtresse » quand les « enfants » sont « dissipés ». Il allait me falloir un peu de temps pour tout comprendre, mais j’étais en bonne voie : « l’école », c’est le meilleur endroit pour comprendre tout.


Jour 73 – Des chiffres et des lettres 2


Je commençais à comprendre les gens. Petit à petit, je comprenais tout. Leur mode de fonctionnement, ce qu’ils faisaient et pourquoi. Certains détails m’échappaient encore, mais je commençais à saisir l’ensemble. Ce que j’en retiens pour l’instant, c’est que les humains ne sont ni plus ni moins que des animaux, mais plus intelligents. Ils sont faibles, mais survivent parce qu’ils se regroupent entre eux et développent des outils. Comme pour la chasse : un adolescent s’est fait pourchasser par un sanglier le week-end dernier, si un adulte n’était pas intervenu pour tirer sur la bête, il aurait probablement été coupé en deux. J’apprenais vite.

Je connaissais cette histoire de loup, de chèvre et de berger par cœur et je m’y sentais plus connectée que jamais. La connexion qu’il me manque en revanche, c’est celle avec les gens. Ca m’énervait de ne pas pouvoir leur parler. De ne pas pouvoir goûter leur nourriture. De ne pas pouvoir courir après une bête inférieure dans la chaîne alimentaire et prendre un malin plaisir à affirmer ma supériorité en lui collant une flèche entre les deux yeux… Les plaisirs des humains ont l’air amusants, sauf celui des adultes qui dorment ensemble dans le même lit. Ca, ils n’en parlent pas, mais ils le font, parfois, avant de dormir et c’est… Répugnant. Ils se mettent à faire des mouvements bizarre et répétés comme des machines, deviennent tout dégoulinants de sueur.


Jour 146 – Une faim de loup


Ce matin, je suis passée à travers un petit garçon. Il a eu une sorte de frisson et s’est mis à regarder autour de lui comme si quelque chose l’avait traversé. C’était… Bizarre. Comme si j’avais pu le toucher, d’une certaine manière. Ca s’est reproduit plusieurs fois dans la journée et en me concentrant sur un verre au bord d’une table, j’ai réussis à le faire tomber. C’était à la fois extrêmement euphorisant et terrifiant : les humains ne naissent pas comme ça : à l’école, on explique qu’il faut qu’un papa mette une graine dans une maman, la maman est enceinte et ça fait un bébé. J’en ai même déjà croisé des bébés : c’est complètement con ces trucs. Et ça grandis beaucoup plus lentement que moi. En plus ils sont bien matériels. C’était une certitude : j’étais pas un humain. Mais est-ce que j’étais pas en train de le devenir ?

C’était une perspective assez chouette : pouvoir manger, boire, dormir, chasser, tourner les pages des bouquins moi-même… Et en même temps répugnante : les trucs bizarres dans le lit, perdre la moitié de la journée à dormir… Le travail… Définitivement : je suis supérieure à eux. Moi quand j’suis né, j’étais pas un vieux machin fripé qui ressemble à un testicule. Mais là n’est pas la question : il n’y a qu’une chose à laquelle j’arrive vaguement à m’identifier : cette histoire. Et particulièrement, à force de l’écouter, de cette chèvre, qui devient loup. Ou peut-être est-ce un loup, déguisé en chèvre depuis le début ? J’ai un doute. Elle est un peu nulle cette histoire : j’en ai entendu d’autres à l’école et dans des maisons, c’est une des pires. Celui qui l’a écrit doit être un abruti.


Jour 231 – Le Book & Mystère


Mes interactions sont faibles, mais elles en sont quand même : je peux vaguement dessiner ou écrire dans la buée et tourner les pages des livres, même si c’est long. J’ai suivi un peu les plus hautes classes du petit village où je vis et le niveau est médiocre. Calculer, compter, apprendre l’histoire… Tout ça, c’est simple, à cet âge-là. J’étais pas à la recherche du défi : dans tous les cas, je savais que je finirais par le réussir, alors ça n’avait aucun intérêt. Mais je m’ennuyais. Parfois je farçais les gens en cherchant à les monter les uns contre les autres, soit en écrivant des choses sur leurs fenêtres, soit en cassant les objets des maisons pour que les enfants se fassent disputer. Les farcer m’amusait, en revanche, mes capacités restaient limitées et il fallait que je trouve un moyen qu’on raconte de plus en plus l’histoire de la chèvre : c’est une certitude. C’est quand la première dame que j’ai vu la raconte que j’obtiens de plus en plus de capacités.

Alors, j’ai élaboré des plans. A date fixe, le mardi et le samedi, chaque jeudi, aux aurores, je dessinais une tête de chèvre et un loup grossier sur une fenêtre de la bibliothèque et faisait tomber le livre de conte en le tournant à la bonne page devant. Ca avait son effet : au départ, les habitants n’y portaient pas attention. Mais petit à petit, ils se mirent à voir que quelque chose clochait : déplacer le bouquin n’avait pas d’effet. Passé quelques semaines, j’écrivais « lis » sous mes dessins. Interloqué, les habitants se sont mis à surveiller, pensant qu’il s’agissait d’une mauvaise blague d’enfants qui n’étaient pas couchés, pourtant, chaque mardi, chaque semaine, même sous leurs yeux, le livre tombait de lui-même et les dessins apparaissaient sur la vitre humide : petit à petit, la légende pris de l’ampleur et les gens des villages environnants venaient s’en emparer pour propager l’histoire. Il ne fallut pas longtemps avant que je puisse interagir de manière de plus en plus précise, mes dessins s’amélioraient et chaque semaine, le mardi, dans la bibliothèque, on lisait l’histoire au matin. Elle prit une certaine ampleur dans la contrée. C’était le début de la légende de « la Chèvre Hantée de Redwood ».

J’y prenais même un certain plaisir : passer à travers les gens leur faisait ressentir un léger frisson. Parfois, j’écrivais d’autres messages ailleurs, pour alimenter la légende. Rapidement, le petit et modeste village devenait célébrissime et mon histoire elle, attirait des visiteurs de tout le pays.




Jour 91 250 – Prisme


Deux-cent cinquantième anniversaire. Encore un demi-siècle… Le cinquième. Le temps ont bien changé. Les gens aussi… Et moi je suis toujours là. La Chèvre Hantée de Redwood a eu son heure de gloire, l’avènement et la diffusion de la magie et des premières guildes en ont grandement limité la portée : ce n’est qu’un évènement, un fait divers, bon à faire vendre quelques babioles. Des chèvres en bois sculptées avec des crocs de loups. Quelque chose de bien insignifiant à l’échelle de la guerre des dragons ayant frappé à Fiore. L’information est remontée jusqu’ici, au royaume de Pergrande. J’étais passée au second plan et mes interactions perdaient de leur splendeur. Pendant mon heure de gloire, j’arrivais à émettre des murmures aux oreilles des humains. Maintenant, je peine à allumer une bougie avec une autre bougie sans déclencher un incendie.

Le temps passe. Et j’attends. Je ne sais pas ce que j’attends. J’envie les humains, eux, ils peuvent mourir et simplement arrêter d’exister. Moi je dois attendre. Mais qu’est-ce que j’attends ? Une pièce de théâtre que j’ai lu et vu il y a quelques années me dirait que j’attends la mort, au même endroit, chaque soir. Mais ce n’est pas le cas. J’ai écumé les bibliothèques, les thèses alchimiques, les savoirs magiques et civils. Rien ne fait mention de moi, à part les faits divers. La seule chose qui s’apparente à ce que je suis, c’est les fantômes. Les fantômes… Tu parles d’une mauvaise blague. Connerie superstitieuse. Qui voudrait errer sans but pendant des siècles sans jamais cesser d’exister ? En étant seul ? Si j’avais une opportunité… La moindre opportunité… Je ferais en sorte d’entraîner au moins une personne dans mon calvaire.


Jour 182 500 – Solitude


C’est marrant. J’ai un vague souvenir de m’être gaussé de la faiblesse des humains qui vivent en groupe… C’est plus qu’une chance. Ces imbéciles n’ont pas conscience de la valeur que représente le fait de ne pas être seul. Y’a ce type là… Acno machin… Il est comme moi. Il est tout seul. Tout le monde en parle comme un fou. C’en est un : il est tout seul. J’suis un fou aussi. Si j’avais un corps… Si j’avais un corps… Si j’avais un corps… Combien de fois j’me pose cette question par jour ? Les cimetières se remplissent, les cadavres sont déterrés au profit d’autres, morts plus récemment. Les maisons sont détruites, rebâties… L’histoire n’a aucun sens, ça ne sert à rien : un con fait un con en lui disant de ne pas être aussi con, alors il sera con d’une autre manière, puis fera un con en lui disant de ne pas être aussi con, puis il sera con d’une autre manière… C’est c’que j’vois d’Earthland depuis que je suis là : rien ne se crée. Tout se transforme. Ca vaut aussi pour les gens. Pour les mentalités. La technologie. La magie… Moi j’veux me transformer. Mais j’ai fais le tour. Je sais ce que j’ai à savoir. Plus rien n’a de sens, d’intérêt. Et en même temps j’sais rien parce que j’ai jamais eu de vraie sensation. Même si j’ressens pas la faim, la simple idée de voir combien de truc on peut se foutre sous la dent me donne l’impression de crever de famine.

C’est fini depuis le départ… Ca va finir… Ca va peut-être finir… Des pans entiers de ma mémoire ont déjà disparu : presque plus personne ne parle de moi, je faiblis et mon esprit atteint ses limites. Je veux juste avoir l’opportunité de mourir. J’ai plus rien à faire depuis bien trop longtemps.
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Jour 227 760 – Avril X791


L’air était étrange aujourd’hui. Je regardais le ciel. Ca faisait plusieurs jours. Que je regardais le ciel. J’aime bien regarder le ciel. C’est agréable. Les nuages, ça détends. Le ciel, c’est sympa. Le ciel, c’est joli. Pourquoi le ciel est bleu alors que le soleil est rouge ? C’est le ciel. C’est joli le ciel. J’aime bien le ciel.

(…)

A ce stade, j’avais perdu la raison. Complètement perdu la raison. Plus rien n’avait de sens, d’intérêt, plus rien ne m’intriguait. Les hommes… Les cailloux… Les poissons… Les plantes… Tout ça… Ca ne servait plus à rien. J’étais résignée et je me contentais de laisser ma conscience dériver petit à petit sur le long flot de la folie.

Mais ça, c’était sans compter sur l’œuvre du destin. Quelque chose bougeait. Et petit à petit je sentais les dernières bribes de ma conscience m’abandonner. C’est… La fin ? C’est enfin la fin ? Mes prunelles s’entrouvraient. J’étais en train de disparaître. Pour de bon. C’est enfin terminé. Je vais pouvoir m’en aller. Je regardais partout. Partout. Le monde était étrange. Tout semblait bouger et je sentais que quelque chose changeait. Ce n’est pas… Ce n’est pas la mort, c’est la magie qui bouge… Elle change… En m’approchant d’un arbre, je pouvais presque sentir l’odeur de ses feuilles. Sentir ? C’est la première fois que je sens ? Le vent, aussi, je le sens…

Je ne comprenais pas, pas grand-chose, mais je comprenais que quelque chose s’échappait de moi. Une part de moi semblait s’arracher tandis qu’une autre s’encrait. Si ça continuait, j’allais littéralement me déchirer. Mais j’avais l’intuition, le sentiment, que ces nouvelles sensations n’étaient pas un hasard… Est-ce que je peux de nouveau interagir avec les gens ? Murmurer ?

A toute vitesse, je traversais la clairière jusqu’au pâturage de la ferme extérieure au village dans lequel je traînais depuis quelques… Quelques… Trop longtemps. En traversant le champ, je me sentais attirée par le bétail… Comme si mon « corps », me disait que « c’est par ici ! »… Mais il fallait que j’en ai le cœur net. En pénétrant dans le cor de ferme, la première personne me passant sous la main était un enfant. Un enfant qui jouait avec une petite chèvre naine. En essayant de le toucher, je me rendais compte que rien n’avait changé avec lui, en revanche… A nouveau… L’animal semblait m’appeler. Peut-être plus faible ? Plus influençable ? En m’approchant, je sentais que quelque chose changeait… Je devenais… Plus… Petit ? Plus bas ?

En regardant autour de moi, je prenais petit à petit conscience que je sentais le sol sous mes… Sabots ? Sous mes sabots ? Sérieusement ? C’est une blague ? Plus de six siècles à voir les humains comme des moins que rien et les animaux comme la nourriture des moins que rien et je me retrouve si bas dans l’échelle ? Inacceptable. C’est définitivement… Inacceptable…

« Doudou t’es bizarre ! Pourquoi tu joues pu ? »

Je levais la tête vers l’humaine qui tendait le bâton. Putain. Je peux… Je peux… Sentir l’odeur de l’herbe, du bois, l’odeur de son corps. L’odeur de mon corps. J’entends différemment, je vois différemment… En me penchant en avant, je croquais quelques brins d’herbe. La sensation provoquée dans le petit cerveau de l’animal était jouissive. Véritablement jouissive. Alors c’est ça, manger ? Il m’en faut plus… La gosse là… J’pourrais la becter, mais si ses parents sont pas loin… Non. Je ne veux plus mourir. J’en veux plus. Je veux manger plus. Il faut que j’trouve une solution à ce corps fébrile. Il faut que j’devienne assez fort pour bouffer tout ce que je veux.


Jour 227 781 – Mai X791


Le temps passait. J’avais que des graines. Des putains d’graines. Alors, j’me suis mise à bouffer une autre chèvre. La viande. La viande, c’était un régale, un véritable régale. C’était… Frais, chargé, plein de saveur… Dans un coin du pré, la carcasse subsistait. En observant, en silence, j’ai entendu le père, fermier, parler d’une attaque de loups. Et là je comprenais l’ironie d’une forme de destinée supérieure… Ou plutôt une aubaine… Cette histoire… C’était une prémonition ? Non. Impossible…

L’herbe, c’était pas pour moi. Rapidement, j’continuais à manger plus de mes congénères et le père lui commençait à monter dans les tours en achetant du matériel de protection supplémentaire. Il pestait. Comme si un simple troupeau pouvait avoir une quelconque importance… Dans tous les cas, lui n’en a pas non plus… Je sais déjà où il va finir. J’étais une chèvre intelligente, certainement. Maligne… Mais au fil des jours je comprenais que j’étais aussi une créature empreinte de magie. En mangeant mes congénères, mon corps s’est adapté petit à petit et mes canines ont commencer à pousser à l’instar de celles des carnivores. Il fallait que je me montre vigilante et en même temps, qui suspecterait une chèvre de manger une chèvre ?


Jour 227 801 – Juin X791


Deux mois et demi. La moitié du troupeau avait disparu et le père de famille craignait pour l’été. Il ne pouvait plus payer le précepteur de son enfant qui était condamné à ne plus étudier et ils se mettaient à rationner le pain. La nuit, je me mettais à saboter l’enclos. Les cultures. Mon objectif, c’est de les voir perdre la raison. Je m’en prenais au blé, aux poules… Rien ne parvenait réellement à satisfaire ma faim de découverte de nouvelles saveurs. J’en voulais plus : de la nourriture. Mais pour ça, il fallait que j’ai la force de ne plus me sentir en danger par la présence des humains. Alors… Il fallait que je les pousse à bout. Que je les affaiblisse suffisamment. Pour les manger, évidemment.

C’était le plan. Et dans une ironie qui me faisait presque enragée, tout se déroulait comme prévu : la fillette insistant pour que je loge dans la maison pour me protéger des méchants loups. Le père, lui, faisait les cent pas, et ça me rappelait tellement ma situation des derniers siècles que s’en était un instant de pur plaisir. Dès qu’ils avaient le dos tourné, je me débrouillais pour vider leurs stocks de nourriture, prenant soin de laisser des outils traîner à côté pour les monter les uns contre les autres. Le père et la mère se querellaient tellement qu’ils ne faisaient plus attention aux besoins de leur fille.

Alors, dans la nuit, une fois épuisés de fatigue à force de se disputer, enroulée dans les bras de la fillette, qui avait décidée de se servir de moi comme d’un doudou, je croquais d’un coup sec. Sectionnant les cordes vocales et la jugulaire. Une mort rapide et silencieuse. Elle suffoquait dans son sang, quant à moi, j’attaquais en commençant par l’épaule avant de descendre les escaliers pour glisser un couteau dans mes restes avant d’aller me coucher sous la montée des marches. Au lendemain matin, la mère hurlait. Elle hurlait à la mort. C’était désagréable, d’être réveillée de la sorte.

« Regina ! Regina ! Mon bébé ! Réveille-toi ! »

Quelque chose dans ce goût-là. La fillette. Ce qu’il en reste. Elle est en miettes. Et alors que le père grimpait pour la rejoindre, la fureur du père fut immédiate, persuadé que la mère avait assassiné l’enfant. La paranoïa les dévoraient depuis de trop nombreux jours. Un hurlement d’agonie. C’est ce que j’entendais. Et lorsque le père redescendait, le regard vitreux, déambulant dans les escaliers, il tombait nez à nez avec moi. Les longues minutes avaient suffi à achever le peu de raison qu’il lui restait. Même la colère c’était évanouie, il ne restait que le choc… Et le choc, c’est exactement ce que je recherchais. Il me regardait à peine, avant de rire. Il avait perdu l’esprit. Moi, j’avais gagné la partie.

« Toi… C’était toi… »

La bouche ensanglantée, je m’approchais, grognant alors qu’il tombait à genoux, épris du désespoir. Ses attachements irrationnels lui ont fait tout perdre… Quand à moi… J’ai eu un bon goûter. Un coup de dents, brusque, et c’était fini. C’était enfin fini. J’étais enfin libre. De dévorer son cœur et de passer les jours suivants à dévorer leurs restes, conservés avec les moyens du bord.

A la graille ! Sans_t71


Juillet X791 – From Human to Goat


Je suis restée assise sur mes acquis pendant un temps. Il faut dire que j’avais de la nourriture, un lit confortable, cependant, rien n’était éternel. Pendant que je mangeais les gens de la ferme, le bétail restant subsistait. Quand j’ai eu finis de dévorer les humains, je me suis mise aux bêtes… Et au bout de quelques semaines, mes rations commençaient à être limité. C’est l’une des premières choses que j’ai observé sur la nécessité des communautés : se nourrir seul, c’est dur. Surtout en étant une chèvre naine.

J’ai donc dû quitter mon petit nid douillet. Pendant quelques semaines, j’ai œuvré à attiser la pitié et la compassion des humains du coin, laissant derrière moi sang, os et viscères. Mais plus le temps passait, plus je grandissais. Petit à petit, mes yeux prenaient une teinte plus « humaine », si on peut appeler ça comme ça. C’est en tout cas ce que j’ai constaté en passant devant un miroir. Les poils au niveau de mon crâne commençaient à changer de texture et mes sabots s’allongeaient petit à petit. Je voulais évoluer dans la chaîne alimentaire pour arriver au sommet… Alors j’imagine qu’il n’y a rien d’anormal à ce que mon évolution soit similaire à celle des humains ? Après tout, c’est eux, actuellement qui sont au plus haut. Même si pour moi ils ne sont que de la nourriture, eux-aussi. C’est techniquement réciproque, cela dit.


Août X791 – Digital


Petit à petit, je me suis éloignée des villes et j’ai commencé à chasser par mes propres moyens. Mes sabots évoluaient pour devenir des ongles, assez longs pour griffer, mes cornes assez pointues pour trancher. A la fin du moins d’août, je ressemblais à une enfant. Une enfant assez malpropre, a vrai dire, rester en forêt avait quelque chose de rassurant. Attiser la pitié est un moyen viable pour survivre, dans la médiocrité en étant perçu comme une faible petite chose à protéger. Si c’est quelque chose que j’ai fais à ma naissance, faute d’autres moyens, il est hors de question que j’évolue dans cette direction. J’ai toujours haï les enfants et les assistés pour leur incapacité à être autonomes. Chacun doit faire sa part dans une communauté. Ceux qui laissent les autres faire en restant passifs devraient être voués à finir au fond de l’estomac du premier venu.

Il fallait que je grandisse. J’avais les connaissances, mais pas les capacités physiques et motrices. Mes cordes vocales se développaient petit à petit et je commençais à pouvoir exercer la parole. J’avais vu ça des dizaine de fois : je pouvais le faire seule. De même que de mes petites mains, moyennant des nœuds astucieux, je parvenais petit à petit à fabriquer un arc artisanal à base de boyaux de petits animaux chétifs et de bâtons aiguisé grâce à mes crocs. Je connaissais la survie, mais je ne l’avais jamais expérimenté. Encore moins avec un corps aussi lâche.

Ce n’était qu’une question de jours avant que je ne parvienne à fabriquer les outils nécessaires pour me fabriquer un petit abris : couteau de silex, petit feu de camp, régulièrement entretenu, j’apprenais la motricité rapidement. Je n’étais pas une experte pour grimper aux arbres trop verticaux, mais je faisais petit à petit de la forêt mon domaine. Ca me laissait moins de temps libre que de me laisser pérenniser chez des humains, mais j’étais plus en sécurité et plus en accord avec mes propres principes de fierté.


Fin août X791 – Know Death ; Know Forever


J’étais devenue une vraie petite sauvageonne. Vêtue de peaux de bêtes nettoyées dans un cour d’eau proche, minois rougeâtre de sang de bêtes que je n’avais pas pris le temps de nettoyer, c’est au retour de ma chasse que je sentais quelque chose de différent. L’un de mes outils avait été déplacé. J’étais en alerte, couteau entre les doigts, mais alors que j’apercevais une silhouette en me cachant derrière un arbre, le nombre de voix et de bruits de pas m’alarmait. Ils étaient trop nombreux.

« Eh, petite, t’es perdue ? »

Je me retournais brusquement, lame en main pour tenter de porter un coup, sans succès, me faisant empoigner sans la moindre difficulté. Les autres approchaient. Ils étaient une petite dizaine, marchant lentement. C’était humiliant. Si humiliant. Je voyais de la peine et de la pitié dans leur regard et je serrais le poing pour masquer ma rage.

« On va t’aider t’en fais pas ! »

J’vais tous vous bouffer. Un par un. Jusqu’au dernier. Je m’étais assez exercée pour parler. Mais ça ne m’aurait pas servi, au contraire. Pour le moment… Il valait mieux rester silencieuse. Observer, calmement et prendre acte de la situation.

Je prenais acte de la situation. Ils ont posé un manteau sur mes épaules et m’ont donné des bonbons. J’en avais déjà vu, mais jamais mangé. Et c’était… Eh bien… Ca portait bien son nom. Mon minois s’illuminait. C’était si bon ! Emmitouflée et portée par ces êtres inférieurs, je me rassurais en me disant qu’à leurs yeux, l’enfant est roi. Alors, pour peu de jouer le jeu… Je suis leur reine. Et c’était un sentiment agréable : nourriture, couverture, on allait jusqu’à m’offrir le gîte. Même si j’étais méfiante, je devais tout faire pour ne pas me trahir. Ce n’est pas comme si j’avais pu couvrir mes traces avec mes sabots et si remonter jusqu’à moi serait difficile, ce n’était pas impossible.


Fin août X791 – One Day


Après un long trajet, principalement consacré à me reposer ou trôner sur les épaules de mes nouveaux jouets et mes futurs mets, nous arrivions sur les lieux de ce qui semblerait être ma demeure à venir pour les prochains jours. Les prochaines semaines, si tout ne se déroule pas comme prévu. Ca ressemblait à un lieu religieux… Tout le monde était vêtu de noir, ça me rappelait vaguement de vieux bouquin que j’ai lu, mais impossible de remettre la main sur l’information en question.

On me faisait visiter les lieux. Je m’attardais sur le réfectoire, les cuisiniers étaient en activité pour préparer le repas du soir. Cet endroit s’appelait « l’Arche ». On ne me donnait pas trop de détails, mais j’avais vu passer une bibliothèque… Il faudrait que j’aille explorer pendant la nuit. Rapidement, on m’amenait à une chambre, que je partagerais avec Ariane, une gamine aux cheveux d’or et Eitri, une petite grosse aux cheveux bruns. C’est probablement le repas qui pourrait me faire le plus de temps, mais en même temps le moins bon… Le gras c’est pas c’que je préfère dans l’humain.

Les murs de pierre avaient quelque chose d’austère, de même que les petites fenêtres mi-opaques. Les lits n’étaient pas confortables et en un sens, ce lieu ne m’inspirait pas confiance. Dans un premier temps, je me contenterai d’observer. Je balbutiais quelques mots, çà-et-là, quand on me demandait de parler. Mais ça s’arrêtait là. Après le repas dans un réfectoire bondé d’une quarantaine d’habitants, en déambulant dans les couloirs, je surprenais une conversation aux portes.

« On sait avec qui elle vivait ? Cette gosse a pas pu faire des outils comme ça toute seule à son âge et chasser autant de bêtes. Il y avait assurément quelqu’un avec elle… »

« Probablement. N’empêche qu’elle est bizarre. Elle était couverte de sang, les Inquisiteurs disent même qu’elle avait un couteau. Et ces cornes… »

« Gardons la sur surveillance jusqu’à la sélection… Il va nous falloir encore un peu de temps. »

Quelqu’un approchais, je me faufilais tant bien que mal jusqu’à ma chambre en tâchant de rester discrète.


Début septembre X791 – In Hell


Cinq enfants, tous orphelins Deux garçons, trois filles. Un certain nombre d’adultes, les femmes s’occupent du ménage, principalement, et de la cuisine. Les hommes eux, ils prient, pour certains. Les gens qui sortent, j’ai pas encore bien saisis ce qu’ils font, mais je ne peux pas m’enlever de la tête cette histoire d’Inquisiteurs. Les bouquins que j’ai lu au sujet des religions et des Inquisitions ne sont clairement pas des plus rassurants. Et enfin, il y a ce « Grand Prêtre ». On ne le voit que rarement et il ne parle pas. Pas un mot. Il mange seul à table et s’ils ont des rituels particuliers, comme le fait de planter leur couteau à la verticale dans la viande, j’ai la vague impression d’être au milieu d’une secte.

Ce qui ne m’arrange pas, c’est que l’accès à la bibliothèque est complexe : les adeptes ne peuvent en voir qu’une partie, de ce que j’ai compris. Mais les informations les plus importantes sont réservés à un statut plus élevé. Mais ce qui m’inquiétait le plus, c’était cette histoire de « Sélection ». Nous, les enfants, on était les « poids morts » : le monastère avait des vêtements d’enfants, sauf que les autres petits n’avaient pas l’air d’être là depuis un moment. Et ils ne devaient clairement pas être en mesure de s’en soucier. Trop limités intellectuellement, cognitivement… J’essayais de ne pas tomber dans la paranoïa, mais malgré tout, j’aimerais éviter de perdre la vie si peu de temps après l’avoir enfin obtenue… Et si c’est le cas, j’espère ne pas redevenir… Ca… l’Être coupé de l’existence, condamné à ne pas être, mais tout de même exister, un véritable paradoxe… Si je devais donner une définition de l’enfer, c’est celle-ci. Voir tous ces gros lards se baffrer et profiter des joies de la vie en se plaignant de petits malheurs sans importance, sans même pouvoir sentir l’air sur ma peau. Le simple fait d’y repenser écourtait considérablement mes nuits.


Mi-octobre X791 – To The Ground


J’étais toujours bredouille d’informations concrètes. La seule chose qui avait changé, c’est qu’on m’a donné un prénom. « Pandore ». Je m’entendais bien avec une des dames de la cantine. Ou plus précisément, je prenais une voix d’enfant stupide en prétendant la maladresse infantile en « essayant » sans essayer de l’aider en cuisine pour avoir des rations supplémentaires. On ne va pas se mentir, j’étais une petite gloutonne et je voulais éviter d’éveiller les soupçons sur moi. Ce qui m’inquiète, c’est que mon apparence évolue bien plus vite que la normale des humains et au-delà des cornes, ils auront vite de se poser des questions.

Mais ma couverture n’est pas encore tombée… Ce qui fait que je suis toujours le prédateur. En tout cas, c’est ce que je pensais en ce temps.


Fin décembre X791 – I’m Awake


Nous ne sommes plus que trois enfants. De ce fait on a été regroupé dans la même chambre. Je parle peu avec les autres. Moins je cause, moins je trahis ma position. Je prétends vaguement jouer avec eux, ou essayer du moins, mais ça ne m’amuse pas. Les jouets sont un outil destiné à éveiller la motricité, la créativité.

Moi, j’ai des bibliothèques entières dans ma mémoire, certes extrêmement altérée par la perte de raison provoquée par les siècles de solitude, mais tout de même… Quelques jours de chasse m’ont suffi à appréhender et comprendre la mobilité de mon corps. Les deux autres ont disparu assez soudainement et on ne nous a pas dit grand-chose. Ce dont j’étais certaine, c’est que le mystère plane trop pour que ça soit un bon présage. Alors, je faisais en sorte de rester le plus possible avec ces gamins. Dès qu’un adulte venait nous voir, je me cachais derrière l’un d’eux, prétextant la timidité en rentrant mes épaules.

Mais aujourd’hui, c’était différent. On est venu me chercher pendant mon sommeil, émergeant vaguement dans les bras d’un des adeptes.

« Qu’est-ce qu’il se passe… ? »

« C’est l’heure Pandore, tu as été sélectionné. »

J’ai été sélectionné ? Mon cœur s’accélérait. Ils sont trois à me porter au travers des couloirs. Il faut que je trouve une issue. Rapidement. Je peux les prendre par surprise. Mais est-ce que ça fonctionnera ?

« Veux dormir… »

Je baillais en me redressant pour nicher mon minois dans le cou de l’adepte qui me portait en passant mes bras autour de ses épaules. Mon souffle caressait son cou, attendant quelques dizaines de mètres en laissant ma respiration s’alourdir pour faire mine de dormir avant de passer à l’action. Un coup de crocs, net, précis, sans bavure. Un mode opératoire que j’ai déjà expérimenté à de multiples reprises : frapper la jugulaire et les cordes vocales pour neutraliser les sons. La pénombre jouait à mon avantage, alors que l’homme s’arrêtait pour reculer, je m’emparais de la torche qu’il tenait entre ses mains pour bondir sur l’un des deux autres en arrière, enflammant sa cape, le tissu prenant feu a grande vitesse, pour bondir en arrière et jauger le dernier.

« Qu’est-ce que c’est que ça !? »

« La mort. »

Posant l’une de mes mains au sol, m’apprêtant à bondir, guidée par l’instinct bestial, je griffais vaguement le sol. Une seule erreur et il était finis…

Mais la brise vint m’indiquer le poids de mes erreurs. Les cris du grand brûlé… C’est ça qui m’a trahie ? Je me redressais pour regarder autour de moi, ils étaient presque tous là. Même la cantinière qui m’a nourrie pendant des mois en cachette… J’avais presque commencé à avoir confiance en cette grosse vache. Le plus troublant, c’était probablement le fait qu’ils semblaient sourire. Ils sont donc bien tous de mèche… Mes chances de m’évader de ce couloir viennent de tomber à zéro, je suis cernée, tant de dos que de face.

« Ah… Te voilà enfin… »

Cette voix… J’la connais pas. En me retournant, je tombais nez à nez avec le grand prêtre. Celui qui portait ne parlait pas. Il pleurait. Ce mec est définitivement dérangé. Encore plus que moi… Je le sens. Quand je vois le merdier dans lequel je suis, je sens que je suis une proie.

« J’ai attendu ce moment toute ma vie, enfin, enfin, nous avons une vraie chance de faire revenir notre Roi ! »

Revenir ? Il levait la main, un cercle magique apparaissait. Evidemment, c’est un mage. Le temps même de tenter de réagir, fuir, je me retrouvais immobilisée, incapable de bouger… Mon escorte de trois était devenu un cortège funèbre d’une trentaine d’individus vêtus de noir et je ne pouvais même pas bouger le petit doigt. Ce n’était qu’un test ?

« C’est cliché les histoires de secte qui veulent accomplir une résurrection vieillard, trouve une idée plus originale, j’ai pas envie d’crever. »

« Ah… Tu es une bien vieille âme, n’est-ce pas ? Tu ne vas pas mourir, ne t’en fais pas. Si tu es capable d’accueillir notre Roi… Tout ira bien. »

« Être vieux ça rends pas plus ‘capable’, juste fou. Et qu’est-ce que tu sais de moi, d’abord ? »

« La Chèvre Hantée de Redwood, n’est-ce pas ? Nos ancêtres travaillent au retour du Roi depuis des siècles… Les réincarnés, comme toi, vous êtes des miracles… Les plus capables ! »

J’écarquillais les yeux. C’est une blague ? Y’en a d’autres, des comme moi ? Il sait qui je suis ? Putain de vieux roublard, des semaines à pas décrocher un mot pour être une mine d’or d’informations ! Il faut pas que je crève, je dois en savoir plus…

« Ok Papay, écoute. Les Inquisiteurs, ils sont chargés de trouver des enfants spéciaux, je suppose ? Des comme moi ? Votre rite est cliché au possible, j’peux te donner des informations, t’aider à traquer, mais être moi, ça me va très bien, j’ai pas particulièrement envie d’crever maintenant. »

« Nous savons déjà tout… Lorsqu’un mage écrit ou lit une fable, une part de sa magie la fait vivre. Si elle est répétée un certain nombre de fois, alors une entité magique peut apparaître. Mais nous ne pensions pas que l’avènement de Chronos nous simplifierait la tâche. Tu es la deuxième que nous rencontrons, alors ce n’est pas une certitude, mais vous vous êtes réfugié dans des corps d’animaux quand il a ouvert une brèche et vous évoluez à une vitesse folle… Le premier que nous avons eu n’a pas survécu, parce qu’il n’était pas prêt. Mais toi... »

« Plus de 225 000 jours d’errance pour ça ? Sérieusement ? Laisse-moi être claire : ton idée, elle est à chier. »

Il fronçait les sourcils et d’un geste, je devenais incapable de parler.

« Tout sera bientôt finis… La lune est pleine, les étoiles sont alignées. »

Je roulais des yeux, c’est tellement cliché que c’en devient ridicule. Qu’est-ce qu’ils pensent accomplir avec leur rituel à la con. Laissez-moi deviner… On s’approchait d’un chemin de torche allumées et au fond… Oui, c’était sûr. Un autel. Ben voyons. On se croirait dans un vieux bouquin d’horreur d’il y a deux-cents ans.

Déposée sur l’autel, je sentais la frustration me gagner et les flash de ma première naissance… Incapable de bouger… Je ne pouvais qu’observer. Entendre. Mais cette fois également ressentir. Ca allait faire mal… Ca allait assurément faire mal… Tous les bons petits toustous se mettaient en cercle pour préparer le rituel.

Les incantations ne me disaient rien. Ce n’est pas un langage que j’avais déjà entendu. Probablement lu, mais pas entendu. De la magie, pour sûr. Ils sont tous disposés en cercle, il y en a un dessiné avec du sang au sol… Oh, franchement, un cercle avec du sang ! Soyez originaux un peu ! C’est vraiment ça ma mort !? Tuée dans un rituel cliché de fanatiques !?

Un flash de lumière, puis…
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Juillet X796 – Canis Lupus


Du bout des doigts, je lançais la main démembrée en l’air, de manière vaguement rythmée. Les deux rubis à mes yeux s’égaraient au sein du comité. Une bonne moitié sont à terre, dans un état peu enviable. Les charognes au sol n’ont pu suffire à combler l’appétit du loup. On a faim. Nous avons faim. Autour de nous, les renforts semblent prêts à donner l’offensive bien qu’encore hésitants. Mon regard vitreux jauge chacun d’entre eux…

Ca fait beaucoup de nourriture. Il y a des chances que je fasse une indigestion. Mais sa faim peine à s’éteindre. Ses grognements retentissent au plus profond de mes entrailles et alors qu’un premier sort voltigeait, la torche entre mes doigts soulevait l’ombre tandis que je revêtais son voile, l’obscure lueur recouvrant mon corps, la queue frappant le sol pour soulever lourdement la poussière, la boule de feu dévorée par l’obscurité s’évaporant contre le voile, mon regard se portant vers le lanceur.

Je déteste les combats qui s’éternisent… Je vais encore passer des heures à manger, puis vomir, puis à nouveau manger… Ca me fait enrager. Assez pour bondir sur le tireur pour le frapper net au niveau de la jugulaire. Il tombait après quelques instants alors que je ruais sans la moindre patience vers le second, dévorant au passage l’un des doigts de la main avec laquelle je jouais pour garder le contrôle. Le loup est fort, mais moins réfléchis. La subtilité ne fait pas partis de ses atouts et il ne comprenait pas l’essence même de La Peste. Le voile est un jeu dangereux. Une magie vouée à protéger de la magie sur laquelle les mages se reposent de trop. Ils voient le voile comme une magie offensive… Ce n’est pas le cas. L’ombre protège le loup de ses assaillants, mais c’est bien lui, qui frappe. Ne tient qu’à eux de se défendre…

L’escouade, délaissée de deux de ses membres, ne comportait plus qu’une demi-douzaine de mages, tout au plus… La partie était déjà terminée. Ces mages sont bien trop faiblards pour représenter une réelle menace… C’est tout du moins ce que je croyais, jusqu’à ce que l’un d’eux ait la chance, ou l’idée brillante, d’user d’un flash de lumière. La Peste et le Voile se faisaient balayer, assez pour recevoir de plein fouet une flèche de glace me transperçant la hanche, de face. C’était un instant bref… Une douleur intense pour m’arracher un hurlement et je sentais la colère me gagner, ma magie déraillée. Je vais perdre le contrôle…


Fin décembre X791 – A majori ad minus


Pas d’obscurité… Je ressens toujours vaguement des choses… Mais quelque chose a changé… Quelque chose est différent…

« Avons-nous réussi, grand-prêtre ? »

« Silence, et à genoux ! »

Mes doigts engourdis au contact de la pierre froide me laissaient pantoise, je fixais la lune, incapable de bouger… Mais quelque chose avait bel et bien changé. J’avais faim… J’avais… Une faim de loup. Mon champ de vision avait légèrement changé… Les teintes étaient plus rouges. Pourquoi les teintes sont plus rouges… ?

Le temps de comprendre ce qu’il m’arrivait, je sentais quelque chose m’envelopper. C’était une chaleur agréable. Une sérénité certaine s’emparait de moi en me redressant. Au fond de moi, quelque chose murmurait… « Dévore… » Encore, encore, encore et encore.

« Maître ? Grand Roi Isidore ? Bon retour parmi nous ! »

Mon regard se portait vers le vieux bougre en me levant, le regardant de haut, alors que le voile d’ombre entourait partiellement une partie de mon corps, comme une fumée épaisse ne laissant passer aucune lumière. La faim est insoutenable, d’un côté. D’un autre côté… Si j’arrive à les manipuler en leur faisant croire que je suis bien leur Roi… Ces illuminés pourraient me nourrir pendant des jours… Des années… En m’approchant, l’odeur du sang et de la chair suffisait à éveiller la bête en moi et fondre sur lui pour dévorer sa joue, provoquant des hurlements d’euphorie.

« Le Roi me dévore, le Roi me dévore ! »

Entre cri d’agonies et rire de satisfaction, d’un geste brusque, je plantais mes griffes à sa poitrine pour le délaisser de son cœur et me redresser pour croquer dedans comme dans une pomme en observant les fidèles à genoux. L’ombre autour de moi, au fil des crocs, semblait s’apaiser.

« Votre Roi réclame un banquet. »

C’était le cerveau du groupe. Les illuminés ne sont pas difficiles à comprendre. Des âmes délaissées prêtes à croire à n’importe quoi pour peu de trouver un objectif et une place quelque part. C’est ce qu’il leur avait offert, profitant probablement de la pérennité de la situation pendant des années. C’est ce que je venais de lui arracher en un instant. Sous l’allure de la chèvre se cache l’Alpha, le chef de meute… La présence que je ressens au fond de moi n’a jamais rendu si vrai cette certitude que j’ai en tête depuis ma naissance.


Juillet X796 – Contraria contrariis curantur


Quand je reprenais conscience, la douleur à ma hanche était sévère. J’avais quelques autres blessures, plus minimes. Je me trouvais là, debout devant ce dernier mage, un poumon entre les doigts, lui, tétanisé, suppliait pour sa vie. Mes yeux vacillaient tantôt entre le rouge et le bleu. Je sentais mon estomac s’étirer dans tous les sens à force de manger et d’un autre côté, la douleur de la blessure me lancer.

« Pitié, pitié, pitié ! I-ils m’ont obligé ! »

Je penchais lentement la tête sur le côté. S’il y a bien une chose que j’ai appris avec le temps, c’est que la terreur isole et rends fou. Ce sont des alliés précieux. Ces mercenaires, sous qualifiés n’étaient pas une menace, les mages, oui. Le laisser en vie laisserait trop d’informations fuiter et je n’ai eu cesse de m’assurer de couvrir les traces de mon existence ces dernières années. Pourtant ils sont là, à mes trousses… Mais ceux qui se pensent prédateurs sont en réalité les proies.

« Qui vous a envoyé ? »

« J-j-j-j-je peux rien dire ! »

Je roulais les yeux au ciel, contrarié en m’approchant pour m’agenouiller devant l’homme et attraper l’une de ses mains en douceur, pour en caresser le dos.

« Allons, allons. Je ne vais pas tuer un enfant. Tu vois bien que tu serais plus en sécurité avec moi qu’avec eux. Tu peux me trouver répugnante de les avoir dévorés, mais ce n’est pas moi qui suis partis aux trousses d’une illustre inconnu. Alors, qui est le méchant dans l’histoire ? »

J’avais mal. Et besoin de soin. Alors si pendant quelques jours, le gamin pouvait me servir de bêta, ça pourrait m’arranger… Et au moins me permettre de dormir pendant qu’il surveille les environs… Et en même temps, je suis aussi d’une apparence frêle alors que je n’ai aucun scrupule avec eux. S’il me voit de la même manière que je le vois…

« Je peux pas, je peux pas, je peux pas, je veux partir, pitié ! »

Ce n’est pas un âge pour voir de telles atrocités, j’imagine. C’est ce que dirait n’importe quel autre être humain… Les animaux et les plantes sont pourtant des êtres vivants également et ils les traitent comme je les ai traités : comme du bétail. La nature est-elle quelque chose de mal ? C’est un raisonnement stupide.

En me redressant, je donnais un coup sec dans son tibias de mon pieds pour entendre un « crac », alors qu’il se tordait de douleur.

« On est au beau milieu de nulle part. T’es blessé, j’suis blessée. J’peux largement m’en sortir, mais j’augmente mes chances avec un coup de main, te concernant… C’est comme si t’étais déjà mort. Alors ? Qu’est-ce que t’en penses ? »


Avril X793 – Aut Caesar, aut nihil


J’étais considérée comme leur Roi. Pour moi, rien n’avait vraiment changé. Ils ne m’avaient jamais entendu parler de manière intelligible ou intelligente, alors il me suffisait de m’exprimer clairement. Je passais le plus clair de mon temps à me reposer et à apprendre à communiquer avec cette espèce d’entité qu’ils ont mis au fond de moi. Si ses manières de se faire comprendre ne sont pas toujours très claires, il n’a rien d’un roi. Il ressemble plus à un parasite. Il a besoin de se nourrir, en grande quantité, mais au lieu de puiser dans mes forces, il me les donne. Il a conscience qu’il ne survivra pas sans moi : en cela, nous sommes les même. Nous avons conscience de ce que ça fait, de « ne pas exister ».

Si cette créature est primitive, elle n’en demeure pas moins puissante. Sa magie me dépasse, mais ses limites sont contrôlables. Pour peu qu’il ait à manger en abondance, je peux garder le contrôle. Le seul problème, c’est que mon corps ne peut pas ingurgiter suffisamment pour ce qu’il demande, alors mes digestions sont extrêmement chaotiques et dès que j’utilise ses pouvoirs, je passe des jours et des nuits entières à vomir. L’avantage d’avoir des sujets à ma solde, c’est de ne pas avoir la nécessité de chasser ou traquer des proies et donc d’utiliser cet outil à double tranchant. Ils font tout à ma place. Je me contente d’utiliser de jolis mots et d’être odieuse avec eux en prétextant que c’est pour leur bien et que nous « travaillons à rendre le monde meilleur » alors qu’en toute honnêteté… Je ne fou rien de mes journées. Diriger une secte malgré moi, c’est une expérience amusante.

Mais insuffisante. Mon corps grandissait, rapidement. Mais je suis toujours agacée du manque d’informations : la bibliothèque ne donne pas grand-chose de plus sur l’espèce dont je fais partie, je sais juste que je ne suis pas la seule. Les Inquisiteurs sont missionnés d’une part, à me ramener de la viande en grande quantité, d’autres part, essayer de trouver d’autres de mes congénères. J’ai inventé une histoire de reine pour que ça leur paraisse cohérent : un roi à besoin d’une reine, bla, bla, bla. C’était une vie paisible, mais terriblement ennuyeuse. Si je les envoyais chercher des mets d’ailleurs, ils mettaient plus de temps à revenir et j’avais moins de gens sur le coup. Alors il fallait sévir… J’avais des stratégies pour ça. J’ai indiqué dans les règles que le célibat était interdit après vingt-cinq ans. Alors presque tout le monde a des enfants et lorsque quelqu’un désobéi… Je bouffe le gosse sous leurs yeux. En partie. Parfois je les laisse en vie, parfois non. Mais ça alimente le régime de terreur et ils travaillent bien.

Il y a bien eu une tentative de rébellion, une fois… Mais le loup en a fait son affaire. J’étais agacée d’avoir perdu trois hommes, et d’avoir été hors-jeu pour récupérer : c’est à peine s’il avait laissé les os, les cheveux et les dents. Toujours est-il que tout roulait, bien que ce n’était pour moi qu’une situation temporaire : j’allais finir par bouger. Dès que mon apparence cessera d’évoluer.


Juillet X796 – Beati pauperes spiritu


Le gamin n’était pas très utile. Plutôt bon à rien, il n’était pas foutu de chasser convenablement et sa magie était faible. Nous avons mis quelques jours à récupérer, il boîtait encore alors que je commençais à cicatriser. J’ai eu la frayeur que la plaie s’infecte, mais fort heureusement, on a réussi à dénicher de l’alcool dans un cabanon de chasse. Il a passé un moment à chouiné, mais je suis vaguement parvenu à replacer son os fracturé.

Il était craintif. Moi aussi. Des gens vont-ils partir à sa recherche ? J’ai mis le feu aux carcasses que j’ai laissé derrière moi pour dissimuler mes traces. Ça parait peu probable, mais on ne sait jamais. Est-ce qu’il va tenter de s’enfuir ? Avec sa jambe, il risque pas d’aller bien loin, c’est l’une des multiples raisons pour lesquelles j’ai décidé de rester en forêt. C’est moi qui m’occupe du feu et je ne le laisse pas s’en approcher, ça évite de lui laisser l’opportunité d’envoyer des signaux de fumée, même si je ne pense pas qu’il ait l’intelligence d’en faire.

« Alors euh… T’es… Quoi ? Une cannibale ? Un truc dans le genre ? »

« C’est donnant donnant mon grand. Tu m’donnes c’que je veux et tu peux peut-être espérer avoir ce que tu veux. »

« Je peux rien dire… »

« Alors, je ne vais rien dire. »

« Moi aussi, vous allez me manger ? »

« Nan. »

« Pourquoi ? »

« Parce que. »

Je secouais la tête en me séparant de mon manteau noir pour évoluer vers le petit ruisseau proche de notre campement, laissant mon corps petit à petit disparaître dedans jusqu’à ce que seul ma tête ne dépasse. En me retournant vers lui, je battais des cils. La pudeur des humains me surprendra toujours… Les animaux les plus intelligents régnant en maître sur cette planète, déstabilisés par une paire de fesses… C’est lamentable.

« Qu’est-ce que vous faites ? »

« Je pêche. »

« A main nues ? »

« J’ai liquidé tes potes à main nues, c’est pas du poisson qui va m’arrêter. »

« … »

« Oh, maintenant t’as des regrets d’avoir participé à une expédition aussi stupide que de tuer plutôt que de chercher à comprendre à quel genre d’individu on a affaire ? Grande nouvelle pour toi : les gens intelligents sont au sommet de la chaîne alimentaire, les imbéciles sont en dessous et survivent en attisant la pitié des moyens en plantant leur racines de parasites incapables de survivre par leur propre moyen pour tirer les autres vers le bas. La seule nuance ici, c’est que j’ai pas de pitié. »

« Alors… Je suis en vie parce que vous avez besoin de moi, si vous n’avez pas de pitié ? »

« C’est plus simple de survivre en groupe. J’ai pas besoin de toi, mais sur le moyen terme, ça me permettra d’avoir moins d’effort à fournir pour trouver à bouffer. Donc non, j’ai pas besoin de toi, mais je suis assez patiente pour voir si tu te rendras utile une fois rétablis ou si tu seras assez con pour essayer de m’attaquer et au mieux, réussir ton coup et crever en forêt sans avoir la moindre notion de chasse en étant obligé de bouffer mon corps, ce qui te mettra exactement à mon niveau, ou te rater et finir comme tes potes, ce qui te mettra exactement à leur niveau. »

« … »


Juin X796 – Cave Canem


Ce petit manège avait duré un certain temps. La situation devenait de moins en moins gérable : une partie des fidèles ont quitté le navire et nous n’étions plus qu’une vingtaine. L’Inquisition était chargée de rattraper les fugitifs, mais le manque de motivation devait même me faire participer. Il faut dire que ça va faire bientôt cinq ans que je fais tourner ces abrutis en rond pour servir mes désirs. Je suis tout autant lassée qu’eux. Il n’en restait plus qu’une bonne quinzaine et après avoir mené l’enquête, je n’avais toujours croisé aucun de mes semblables. Ma patience avait atteint ses limites et il était temps pour moi de me remettre en chasse.

J’ai agi durant la nuit. La lassitude m’avait ramollie et je n’avais pas l’intention de me salir les mains. Le glas d’un couteau rendrait les soupirs à ma place. J’avais inventé un jour sacré pour indiquer qu’il n’était pas nécessaire de travailler ce soir et la plupart étaient avinés. En bonne marchand de sable, j’effectuais mon œuvre dans le silence. Rapidement. Ce n’était qu’une routine, mon seul regret, c’était qu’à partir de maintenant je devrais me bouger pour me nourrir par mes propres moyens. Mais j’avais le corps d’une adulte et depuis le temps, j’avais pu étudier la magie et apprendre à maîtriser un minimum le loup. Assez pour ne pas passer des jours entiers hors service en activant le voile, du moins. Nous n’avions guère une nature similaire : c’était une brute, irréfléchie, qui ne pensait qu’à se remplir la panse. Moi, j’étais assez maligne et manipulatrice pour envoyer autrui faire la basse besogne et en cas de rébellion, me servir des scélérats comme repas.

L’Inquisition, la cuisine, les enfants, les jardiniers… Tout le monde y passait et j’emportais uniquement leur cœur. La partie que je préfère chez l’être humain. Pas que ça soit mon met favoris, loin de là : personne n’en mange alors personne ne sait le préparer, je n’ai pas la prétention d’être une grande chef, il est rare que j’accède aux cuisines et que je puisse mettre en pratique les nombreux livres que j’ai pu étudier par le passé. En quittant les lieux après avoir libéré les quelques lacrimas de feu stockées en cuisine et démarré un incendie à la bibliothèque, afin de brouiller toutes les traces : si quelqu’un doit trouver les miens, c’est moi. Pas ces misérables humains…

Dans un air de cendre et d’odeur de chair carbonisée, c’est sous ces ambiances apocalyptique que je quittais ce vieux monastère perdu, le sac alourdis par la viande plongée dans le sel et emballé dans du papier épais. Une couverture, un change, une bouteille d’eau et c’était globalement tout ce dont j’avais besoin.


Août X796 – Ab imo pectore


On a passé quelques temps ensemble en forêt. Je lui ai appris les rudiments. Fabriquer des outils avec ce qu’on trouve, mettre des boyaux en tension pour en faire des cordes, créer un piège, anticiper les mouvements des poissons… S’il était toujours en difficulté pour se déplacer rapidement et efficacement, il apprenait vite et bien et dans une situation de nécessité, le rapport aux individus était différent. En un sens, même s’il restait strictement inférieur à moi, je le voyais comme important dans l’organisation de mon quotidien. C’est peut-être de l’empathie ou quelque chose de cet ordre-là, mais j’en doute. Une certaine complicité maladroite naissait même entre nous, on ricanait, un peu, mais il restait différent. Très différent. Pudique, timide, fragile, limité.

Les questions qui restaient en suspens, c’était d’essayer de comprendre qui était son commanditaire. En un sens, nous étions deux jeunes adultes à l’apparence frêle, mais au cœur féroce. Le premier qui baissera sa garde devra prier pour que l’autre le fasse à l’instant qui suit. Ce qu’il ignore… C’est que des trahisons, j’en ai observé, lu, vécue et orchestré plus que sa courte vie ne lui laissera l’opportunité d’en entrevoir.

Un beau soir étoilé, nous nous reposions proche d’une clairière. Mon regard était rivé vers un ciel dont j’avais, quelque part dans ma mémoire, le nom de chaque étoile recensée, mais dont mes souvenirs étaient bien trop chaotiques pour tout remettre en ordre.

« Une étoile filante… »

« T’as fait un vœu ? »

« Ouais… »

« Je dois supplier ou t’accouches ? »

« J’ai rêvé d’être libre. »

« Libre de quoi ? »

« Hein ? Oh euh… Rien, rien. Laisse. »

Je fronçais les sourcils en me redressant, emmitouflée dans une peau de cerf. Il se moque de moi là.

« Ca va continuer encore longtemps ce p’tit jeu ? Tu sais très bien que même en ayant repris des forces j’pourrais te balayer du revers de la main. Mais j’en ai aucune envie. Ta présence m’est pas trop désagréable et après t’avoir offert de mon temps, ça serait du gâcher de te tuer. »

« Euh… Ben… Quand le vieux monastère a brûlé, quelqu’un t’as vu, alors ils ont lancé un mandat d’arrêt… »

« J’imagine que je dois te tirer la langue jusqu’à tes pieds pour que tu me donnes plus d’infos ? »

« Des mercenaires ont saisis l’opportunité… Depuis Chronos, tout le monde saute sur les petits contrats… C’était un peu les terreurs du coin et ils m’ont enrôlé en me disant que c’était un bon moyen d’apprendre la magie. »

« Donc, tu veux ne plus dépendre d’eux ? »

« … »

Il baissait les yeux, je fermais les miens. Un petit clan de mercenaires… Ils ne sont généralement pas en grand nombre, j’ai dû en décimer une bonne moitié. S’il dit la vérité et que ces gens sont si ennuyeux que ça, je n’ai pas grand-chose à craindre. Dans un sens, j’ai rendu service, de la mauvaise manière.

« Demain, on va à leur quartier général. »

« Hein ? Mais t’as pété les plombs ! »

« Ils s’attendront jamais à ce qu’une jeune adulte seule soit un réel danger, comme j’ai tout cramé ils privilégieront la piste du piège. Je les dégomme, si t’as des proches, tu les retrouves et tu te casses. Refait ta vie, accorde toi l’opportunité d’obtenir ta propre liberté. »

« Mais et toi ? Pourquoi tu ferais ça ? »

« C’est simple, il va falloir que je bouge aussi. ‘Une jeune femme aux cheveux roses’, c’est assez vaste. Si je change de pays, de continent, on entendra plus parler de moi et je serai tranquille. »

Je rouvrais les yeux. C’était un test, rien de plus. Il était hors de question que je laisse se promener quelqu’un qui a vu le voile dans la nature et encore moins d’être recherchée. Non, mon objectif, il était tout autre… Et alors qu’au lendemain, nous quittions notre base de campement pour nous rapprocher des villes, je scrutais les environs pour m’assurer de mon plan. J’avais peu dormi. D’un mauvais œil. Chaque fois qu’il se retournait, ça me réveillait. J’étais toujours à l’affut de la trahison. Toujours avoir une longueur d’avance.

« Ma famille habite par-là. Le QG, c’est par-là. On se retrouve tout à l’heure ou ce sont des adieux ? »

« Des adieux. J’ai pas le temps pour ça. Mais si jamais on se revoit, ça sera avec plaisir. Prends soin de toi gamin. »

« Tu vas toujours pas me dire ton nom, au moins ? »

« Hein ? Euh… Isadora. »

C’était un mensonge, et une manière de tourner en dérision la secte en laquelle j’ai été enrôlée à l’époque dans la foulée. Isidore, le nom de ce roi… Si c’est le loup du fond de mon bide, le roi, il ne devait pas avoir beaucoup de sujets… Mais en tous les cas, c’est comme ça que je l’ai baptisé. D’un signe de la main, je partais en direction de mon prétendu objectif en attendant de le voir lui aussi poursuivre sa route. J’attendais un croisement de carrefour pour le rejoindre et entamer ma filature.

Je n’étais pas vraiment surprise de sa direction. Un bar… Mon petit doigt me dit, que ce n’est clairement pas le lieu du domicile familial. D’autant qu’en m’approchant et en tendant l’oreille, je n’entends pas particulièrement de cri de réjouissance. Après-tout, il est supposé avoir disparu pendant plus de deux semaines et tous ses équipiers ont été massacrés.

« Alors, la cible !? »

« Droit dans le piège, c’était super facile ! Trop simple de la manipuler, elle est tombée raide dingue de moi alors j’ai pu en faire ce que je voulais ! »

« Trop fort ! Je savais qu’on a eu bien fait de recruter un télépathe ! Tu vas monter rapidement en grade petit ! Et ta jambe ? »

« T’inquiète, j’connais la forêt comme ma poche, j’ai trouvé plein de trucs pour survivre, même si la brute était un peu gourde, j’ai du tout lui apprendre. »

C’était l’affront de trop. Mes yeux viraient au rouge sang et la rage s’emparait de moi. Pour qui il se prenait ce merdeux ? Mon pieds s’enfonçait brusquement dans la porte pour avancer d’un pas lent, alors que tout le monde se tournait vers moi, lui paniquant en chutant après avoir trébuché d’un tabouret.

« C’est elle ? On dirait que le piège à merdé ! A l’attaque les gars ! »

« Nan, nan, faites pas ça ! »

Trop tard… Le premier fonçait avec un couteau. Le voile enveloppait ma main pour l’agripper et l’attirer vers moi pour lui déchirer la jugulaire d’un coup de crocs, le rattrapant par les cheveux pour le retourner devant l’ensemble du petit groupe s’étant stoppé net. Recrachant le bout de peau après avoir mâchouillé et avalé la chair, je reprenais.

« Je vais poser la question une fois. Une seule et unique fois. Votre commanditaire, c’est qui ? »

En attrapant la lame du médiocre bandit entre mes doigts, je la faisais tourner en laissant tomber le cadavre alors que mon regard s’alourdissait à mesure que ma patience se dissipait.

« C-c’est un témoin ! »

La lame partait en direction de ma cible, ratant sa poitrine pour venir se loger dans son épaule alors que je faisais lentement craquer ma nuque.

« Un témoin qui fait envoyer une quinzaine de mages, pour un banal incendie d’un bâtiment d’une vieille secte d’illuminés qui se tenaient à l’écart du monde. Dommage, j’avais dis que je ne la poserais qu’une fois. Je n’aurai besoin que d’un survivant. Vous avez cinq secondes pour vous départager sur qui restera en vie. »

Comme je m’y attendais… Aucune magie offensive… Leur section de combat a déjà été décimée et elle ne volait pas très haut. Ce n’est que du banditisme de bas étage, tout au plus. Ils savaient qu’ils étaient condamnés. Alors… L’instinct à pris le dessus et ils se sont mis à s’en prendre les uns aux autres. C’était amusant à voir.

« I-Isadora, pitié, stop ! »

« Tu pleurniches encore pour ta vie toi ? Viens là. T’es trop jeune pour crever. »

Il se faufilait, tant bien que mal dans la mêlée. Les autres s’arrêtaient, pensant être condamnés. Jusqu’à, du moins, que je l’attrape par le col pour m’approcher de son visage en douceur, posant ma main sur sa joue avant de lui dévorer le visage à la grande surprise des autres.

« Répugnant… »

Repris-je la bouche pleine en recrachant l’os du nez pour lui briser la nuque d’un coup sec en le laissant tomber sur le côté.

« A-arrête ! Je vais tout dire, je vais tout dire ! Il se fait appeler Samuel, il a des oreilles bizarres, c’est un gamin qui parle comme un vieux, il vient en ville tous les midis ! Il a dit qu’il fallait te capturer vivante et que t’étais dangereuse alors on y a mis les grands moyens ! »

Tous les midis… ? Il faut que je fasse le ménage… Cette description… J’ai le sentiment… La sensation que…


Août X796 – Ab irato


« T’es pas simple à trouver. »

« Et toi à assassiner. »

« Faut croire que c’est dans mes gênes. C’quoi ton conte ? »

« L’alpha bienveillant. »

« Un gamin ? C’est un gamin qui veut ma peau ? Sérieusement ? »

« Un gamin ? J’ai plus de deux cents ans. J’ai rien d’un gamin. T’imagines pas ce que c’est d’attendre aussi longtemps. C’est quoi, le tiens ? »

« La chèvre qui dévore les loups. »

« Putain de… C’est toi la Chèvre Hantée de Redwood alors ? »

« Exact. C’est bon ? T’as pris conscience de ta connerie et de tes siècles de retard ? J’ai des questions à te poser. »

« Ouais… Ouais… Vu ton conte, j’imagine que tu vas m’bouffer dans tous les cas. »

« Nan, nan. J’donne pas dans le cannibalisme. Si j’suis satisfaite, t’auras droit à une mort rapide et des funérailles dignes. »

« Tu veux savoir quoi ? »

« On est combien ? »

« J’sais pas, tu t’en doutes bien. »

« Comment t’as su, pour moi ? »

« Facile, les cornes. »

« Bien c’que je pensais… Même merde alors ? En avril ’91, t’as pu prendre le corps d’un petit animal et t’as fait ton petit bonhomme de chemin comme ça ? »

« C’est ça. Attends, tu savais pas ça ? T’as croisé combien d’entre nous ? »

« T’es le premier. Toi ? »

« La septième. »

« Les autres ? »

« Supprimés. »

« Pourquoi ? »

« La concurrence. On est tous un peu dérangés, j’me suis rendu compte assez rapidement. Pas envie d’crever pour la lubie bizarre d’un de nos cousins.  »

« Ca se tient. Tu manques d’expérience en leadership. »

« Qu’est-ce que tu veux dire ? »

« T’as créée un nouveau mythe en un sens. L’un d’entre nous traque ses semblables. En créant cette forme de terreur, t’aurais pu l’utiliser à ton avantage pour manipuler les autres afin qu’ils s’occupent de la sale besogne. »

« Quel genre de monstre t’es… ? »

« Le genre de monstre qui a traversé plus de six siècles de solitude et en a survécu. Rien ni personne se mettra en travers de ma route. »

« Je pensais pas que t’allais me répondre… »

« On sait tous les deux que j’te laisserai pas en vie. Alors t’as aucun intérêt à essayer de me mentir ou me mener sur de mauvaises pistes. Te parler peut être intéressant. Tu sais ce qu’il y a après ? »

« J’sais pas. J’espère juste que ça s’ra pas l’errance… Tout… Mais pas ça. J’veux pas y retourner… »

« J’te comprends. Autant arrêter d’être que n’être qu’en partie. »

« Tu veux bie-… »

« Un peu de dignité. T’as du sang sur les mains. »

« Toi aussi, j’te signale… »

« Moi ? Non. J’ai jamais tué un de mes congénères. »

« T’as tué des humains. »

« Les humains ? Ce ne sont que des animaux qui a défaut de réels moyens de survie se sont adaptés en créant des outils. Aucune différence à égorger une vache qui te supplie du regard et panique que d’égorger une gamine qui supplie de ne pas lui faire de mal. »

« T’es la deuxième que j’croise à raisonner comme ça… »

« Ca me surprends qu’on ne pense pas tous comme ça, mais j’imagine que nos folklore et nos animaux réceptacles ont un impact sur notre personnalité. »

« Je le pense aussi… Tu sais… Tu me fais plus penser à un loup qu’à une chèvre… »

« Merci du compliment. »

« Ce n’en était pas un… »

« J’avais compris. »

« Tu comptes faire durer ce petit manège longtemps ? »

« C’est pas si simple, tu sais ? »

« Ah… C’est donc ça… Tu ne vois pas de problème à manger de l’humain parce que tu refuses de les considérer comme autre chose que du bétail… Mais tuer un de tes congénères… »

« Ils ne sont que du bétail. Tu sais… En un sens… On aurait presque pu être amis. »

« Naïve. »

« C’était une plaisanterie. »

« De mauvais goût. »

« Ouais… Je sais. »

« Alors ? »

« Et sinon… T’as un nom ? »

« Abrège. »

« C’est pour ta tombe. »

« J’m’en fou. »

« Moi non. »

« Moi si. »

« Moi non. »

« Tu saoules. »

« Je sais. »

« T’y arrives pas, hein ? »

« Arrête. »

« La fierté, n’est-ce pas ? »

« J’ai juste pitié de toi. »

« Tu mens. T’as pitié de toi. »

« Fait chier. »

« Ouais… A force de traîner avec les humains, on finit par développer des émotions similaires aux leurs, j’imagine. »

« Pas moi. »

« Ah bon ? On m’a rapporté que t’as aidé un gamin. »

« J’l’ai bouffé. »

« Parce qu’il t’as trahie et que tu t’es sentie blessée. »

« … Pas du tout. »

« Tu fais l’enfant, là. »

« J’ai trois fois ton âge gamin. »

« Tu fais encore plus l’enfant. »

« Tu m’emmerdes. »

« Alors tue-moi. »

« Non. »

« T’as changé de ton. Tu vas me laisser vivre ? »

« C’est pas c’que j’ai… Putain ! »

« Tu vois, c’est pour ça que je les ai tous assassinés sans m’en approcher… Tu me fais pas assez confiance pour me relâcher et même si j’peux pas bouger, à un moment tu vas t’essouffler, risquer de commettre une erreur, peut-être me blesser, peut-être être blessée… Perte de temps. »

« Et si on passait un marché ? »

« Tu te fou de moi ? »

« Non. »

« … J’écoute ? »

« Plutôt que de t’en prendre au notre, redirige les vers moi. »

« Vers toi ? Pourquoi faire ? »

« C’est simple. Si on arrive à se regroupe, même en étant peu nombreux, les autres ne s’attaqueront pas à nous et si l’écho se répand sur le fait que tu es avec moi et que d’autres sont encore avec moi, tu seras en sécurité. »

« La crainte par le nombre ? C’est ça ton plan de génie ? »

« Ouais. »

« C’est tellement con que j’ai envie d’y croire. »

« 600 ans de solitude. »

« J’y gagne quoi, concrètement ? »

« Si j’voulais te tuer, je l’aurais fait depuis un moment. En revanche, j’peux pas être certaine de ce que tu vas faire une fois que j’ai le dos tourné. Alors c’est simple. Toi tu restes ici et moi je m’en vais à Fiore. Je vais être tellement loin qu’il y a pratiquement aucune chance qu’on se recroise, même une seule fois au cours de notre vie. Et comme c’est moi qui est à deux doigts de te briser la nuque avec mon genoux, tu peux me faire confiance là-dessus. »

« Donc tu me demandes de m'exposer en échange de ma vie, c'est ça l'idée ? »

« Pas besoin. Laisse des indices, des traces... Genre... "Ceux dont l'errance s'est soldée par la naissance trouveront leur semblables à Fiore", ce genre de conneries. »

« Tu vas réussir à gérer des dysfonctionnels comme nous seule ? »

« Seule ? Non. Mais j’suis jamais seule. »

« T’as un complice ? Depuis le début ? »

« On peut dire ça…  »

« T’es compliquée. »

« Toi aussi. »

« Merci. »

« C’était pas un compliment. »

« Je sais. En admettant que tu réussisses à créer ta bande de joyeux dingos, tu comptes faire quoi ?  »

« J’en sais rien, franchement. J’aime bien manger. Alors probablement à manger. »

« A manger ? Tu veux dire… Utiliser notre potentiel pour… De la cuisine ? »

« Avoue que c’est du génie. »

« T’as pas envie d’accomplir un truc plus grand ? De la politique ? Mettre tes pouvoirs au service du bien ? Du mal ? »

« Nan, c’est des conneries tout ça. Le bien, le mal, ça n’existe pas. Ceux qui se voient comme le bien sont vu comme le mal pour les autres. Un monde manichéen m’intéresse pas. Moi j’aime manger. Alors j’écumerai terre, mer et ciel en quête de nouveaux mets. »

« On dirait un rêve de gosse… »

« On est aussi vieux que jeune… Les bouquins et les paysages, on connait. Il nous reste les saveurs à découvrir. »

« Le toucher aussi… »

« Me parle pas de ça. Ca me dégoûte. La première fois que j’ai vu des humains pratiquer, j’ai cru que j’allais mourir de malaise. »

« Ah tiens ? »

« Ah tiens. »

« J’imagine que ça doit être pareil pour nombre d’entre nous… Quand on ne nous voit pas et qu’on découvre ce genre de choses sans y être préparé, ça peut être choquant. »

« Ouais… J’avoue que… Nan. Nan. J’préfère bouffer. »

« Au moins là-dessus, tu mettras sûrement tout le monde d’accord… »

« C’est un peu l’idée. »

« C’est quoi notre nom, au fait ? »

« Hein ? Notre ? Tu veux dire… Ce qu’on est ? »

« Ouais. Si j’dois les renvoyer vers toi, avoir ton nom et le nôtre ça peut être pratique, non ? »

« C’est… Un peu… Oui, ouais, c’est logique… Moi c’est Pandore et… Pour notre nom… Des esprits réfugiés dans des animaux qui changent de forme… Les Shifters ? »



X797 – Ad gloriam


Présent, Fiore.


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Aoi Donatsu
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J'ai traité pour les chapitres en désordre avec mon niveau de fatigue

A part la bouteille de gaze qui me semble autrement improbable (genre ça ferait plus du feu classique ou des lacrimas de feu) le reste me va

je valide, je laisse la prez éditable pour corriger les bouteilles et pour m'excuser du retard je rajotue 400 jewels

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