« Si tu tends l’oreille, tu entendras les Hommes, si tu tends la main, tu trouveras le bonheur, si tu ouvres ton cœur, les Dieux embrasseront ton front. »

Plume est un enfant issu d’une famille rurale bien trop pauvre pour assumer de recevoir une jeune fille dans sa famille. Elle sera, à la naissance, confiée à un monastère fondé proche des vestiges de Meldian, vouant un culte aux divinités s’étant érodé avec le temps. Pour le Culte du Karma, les Dieux et les Dragons ont quitté le monde des Hommes pour rejoindre celui des Dieux et continuent d’entendre les prières des humains. Plume, elle, grandira dans cette société matriarcale auprès de nombreux orphelins recueillis en échange de donations et d’offrandes permettant de « rétablir le karma de ceux abandonnant leurs enfants ».

Si la foi des moniales vivant entre les murs de pierres était réel, l’ouverture avec l’extérieur, mince, était tout de même obligatoire. Les moniales du culte du Karma parlent peu et ce n’est pas une exception pour celle sur laquelle nous nous focalisons. Leur quotidien est organisé selon leur répartition :
Les Priantes, font les cinq appels à la prière de la journée :
La prière du monde des Humains, au réveil, à six heures, chaque matin, pour ouvrir sur le monde.
La prière du monde des Animaux, après le déjeuner et les tâches ménagères, à huit heures, pour souhaiter une bonne récolte d’œufs et de lait aux Nourricières.
La prière aux Dieux, au repas de midi, ayant pour but de remercier les Dieux pour la pitance journalière et remercier les Besogneuses ayant préparé le repas.
La prière famélique, au milieu de l’après-midi, ayant pour but de faire honneur aux morts et aux Voyageuses, faisant le commerce des produits du monastère en échange de peaux et autres produits de première nécessité.
La prière des Enfers, au couché, ayant pour but de chasser les démons des rêves des moniales et remercier les Gardiennes, qui veillent la nuit durant sur leurs sœurs.

Plume, dont le prénom faisait référence à la légèreté et le nom « De Jade », fait référence aux vertus de la pierre de Jade aidant à trouver la paix intérieure et à la cicatrisation. Elle traversera l’adolescence pour devenir une Gardienne, embrassant les techniques au sabre transmis de génération en génération par le culte, les magies transmises correspondant aux prières effectuées chaque jour.

Une vie simple et prospère, nocturne, d’une croyante fidèle. Du moins, parce qu’il faut toujours un « du moins », jusqu’à ce que sa magie la quitte en avril X791, alors âgée de 16 ans. Si elle n’était pas particulièrement talentueuse et que sa foi inébranlable l’aidait à percevoir cet évènement comme un nouveau défi des Dieux, mettre du cœur à l’œuvre ne suffisait pas : quelques semaines plus tard, à peine, les gardiennes se retrouvaient attaquées par des mages mal intentionnés, armés d’objets magiques pour combler la perte de leurs pouvoirs, le manque de matériel du monastère suffisant à faire flancher le corps défensif facilement. Les plus vieilles de l’escouade furent exécutées, les plus jeunes, kidnappées, torturées, des heures, des jours durant. Plume ne comptait plus. Elle ne s’attachait plus qu’à des prières silencieuses, finalement laissée pour morte après que les ravisseurs ne se décident à changer de cibles avant de se faire repérer.

Récupérée par la garde et restituée au monastère, il ne lui aura pas fallut longtemps pour se rendre compte d’un changement : un être poussait, dans son ventre. Poussée par la sincérité, elle décida de se confier et, la loi matriarcale obligeant, elle fut bannie pour infamie, elle qui se devait de rester focalisée sur la foi et uniquement la foi.

Jeune, livrée à elle-même dans la nature, elle erra des jours, des semaines, se nourrissant de la mendicité. Ses bras et ses cuisses s’affaissaient de la faim, son ventre et sa poitrine se préparaient à accueillir l’heureux élu, cette nouvelle vie représentant la source de sa nouvelle foi, l’objet de ses nouvelles prières aux Dieux.

Mais elle était inadaptée. Bien trop inadaptée. Elle qui n’était pas une Voyageuse, ne connaissait pas le monde. Elle en avait peur. Si elle n’avait vu son traumatisme que comme une épreuve des Dieux qu’elle avait surmontée, elle ne comprenait pas le fonctionnement de la vie régulière, passant de rudes nuits rafraîchies dehors, rongée par la famine, jusqu’à l’épreuve de trop : la fausse couche, qui la brisait psychologiquement, recueillie par un médecin et sa famille à cette occasion.

Pendant plusieurs années, elle mit de côté la magie au profit du labeur. Travail, pitance, prière, sommeil, c’était là ce qui l’animait. Charmant bout de jeune femme, motivée et courageuse, les quelques jours d’hospice l’avaient aidé à reprendre des forces et sous les conseils de son médecin, trouver quelques ménages à effectuer. Elle avait déjà vu les besogneuses faire et les avaient déjà aidées : Plume connaissait les tâches quotidiennes. S’occuper des enfants, du ménage, de faire à manger, chez différentes personnes l’aidait à payer sa chambre et se focaliser sur la prière, jusqu’en 797, finissant, jeune adulte par provoquer la jalousie des femmes du village, l’ayant menacée, elle qui se levait à l’aube chaque matin pour mieux faire « leur rôle » et attirer le regard de « leur mari », qui fantasmaient la jeune moniale supposément chaste.

Forcée de prendre la route, tant reconstruite que perdue, quittant la campagne profonde pour entendre pour la première fois les conversations des villes, elle apprenait que la magie pouvait rendre service. Que la lame qu’elle a passé son adolescence à affuter et manier pourrait à nouveau lui servir pour faire le bien et, même si les stigmates de l’échec demeuraient présents, elle se renseignait. A droite. A gauche. Prenant la mesure. Bien que bannie, elle n’en demeurait pas moins une moniale du Culte du Karma, une Gardienne. Les perceptions manichéennes standards ne lui convenaient pas. C’est dans cette recherche de la pureté qu’elle s’intéressait à la conception de cette guilde où le fardeau n’était pas gage de refus. Un lieu où elle pourrait à sa guise prier et aider les siens. Sa prochaine maison, elle espérait la bonne, en se présentant à Delta Sign.